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Dans une courte vidéo non datée, le journaliste arrêté dimanche après le détournement de son avion dit être passé aux aveux et collaborer avec les enquêteurs biélorusses. Une preuve de vie qui apparaît avoir été tournée sous la contrainte, alors que Roman Protassevitch risque la peine de mort pour terrorisme

Il fallait faire taire les rumeurs d'hospitalisation: le pouvoir biélorusse a diffusé lundi une courte vidéo de Roman Protassevitch, le jeune opposant arrêté dimanche suite au détournement d'un vol de la compagnie Ryanair. Filmé dans une pièce neutre, le journaliste et militant indique «collaborer avec les enquêteurs» et être «passé aux aveux concernant l'organisation de troubles massifs». Selon ses dires, dans cet enregistrement non-daté, il serait incarcéré dans un centre de détention de Minsk.
The regime's propaganda channels posted a video of arrested Raman Pratasevich, saying that he is treated lawfully in the Minsk Detention Center №1. This is how Raman looks under physical and moral pressure. I demand the immediate release of Raman and all political prisoners. pic.twitter.com/zdolsbp6m5
— Sviatlana Tsikhanouskaya (@Tsihanouskaya) May 24, 2021
Plusieurs opposants au régime ont très vite dénoncé une vidéo tournée sous la contrainte, rappelant que sa compagne Sofia Sapega, citoyenne russe, serait également détenue par les autorités du Belarus. «Voilà à quoi ressemble Roman sous la pression physique et morale. Je demande la libération immédiate de Roman et de tous les prisonniers politiques», a tweeté Svetlana Tikhanovskaïa, ancienne candidate à l'élection présidentielle. Dans cette vidéo, le journaliste apparaît fatigué et certains observateurs pointent des traces sur son visage qui pourraient laisser penser qu'il a été frappé lors de sa détention.
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«La diffusion de cette vidéo constitue une violation flagrante du droit à la dignité et à l'intégrité de la personne. On peut facilement imaginer que Roman Protassevich a été contraint de se livrer à cet exercice. Nous craignons qu'il ait été victime de mauvais traitements et de torture», a réagi sur Twitter Christophe Deloire, secrétaire général de l'ONG Reporters sans frontières.
Âgé de 26 ans, Roman Protassevitch a quitté son pays en 2019 et vit depuis en exil entre la Lituanie et la Pologne. Il est poursuivi en Bielorussie pour «organisation de troubles massifs» à propos de son rôle dans les manifestations qui ont eu lieu après l'élection présidentielle d'août 2020. Il est également accusé par le pouvoir biélorusse de terrorisme et risque donc la peine de mort.
Un opposant de longue date
Malgré son jeune âge, Roman Protassevitch s'oppose au pouvoir d'Alexandre Loukachenko depuis longtemps. À 17 ans, il est à la tête de deux sites d'information sur le réseau social VKontakte. L'un d'eux appelle à boycotter les élections législatives de septembre 2012, ce qui lui vaudra d'être battu par la police biélorusse, lors d'une arrestation après une manifestation.
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Il travaille ensuite comme journaliste indépendant, notamment en tant que photographe, puis rejoint le média d'opposition Nexta («quelqu'un», en biélorusse) dont il a été rédacteur en chef. Diffusée initialement sur la plateforme Youtube, cette chaîne est désormais diffusée via l'application de messagerie Telegram. L'application et le média ont joué un rôle majeur dans l'organisation des manifestations de contestation du pouvoir dans les mois qui ont suivi l'élection. Notamment pour y diffuser des vidéos de violences policières. Telegram est un des rares canaux d'information que le pouvoir n'est pas parvenu à bloquer.
Selon des témoignages rapportés par l'AFP, lorsque l'avion qui reliait Athènes à Vilnius est détourné, «il a commencé à paniquer et à dire que c’était à cause de lui». Il revenait d'un voyage en Grèce, où il avait accompagné Svetlana Tikhanovskaïa, figure de l'opposition qui a aussi été forcée à fuir le pays et est exilée en Lituanie.