Guerre en Ukraine
Le média alémanique Republik révèle mercredi que la Suisse n’a pas complètement repris les sanctions européennes, contrairement aux affirmations du Conseil fédéral. Le Seco rétorque que les cas soulevés découlent d’autres régimes de sanctions de l’UE, antérieurs à la guerre en Ukraine

«La Suisse adopte complètement la liste des sanctions de l’Union européenne»: le message est répété par le Conseil fédéral ces dernières semaines. «Mais ce n’est qu’en partie vrai», relève Republik mercredi. Le média alémanique a consulté la liste des personnes sanctionnées par la Suisse et l’a comparée avec la liste européenne. Résultat: une vingtaine de personnes échappent aux sanctions prises par Berne.
C’est le cas du général biélorusse Alexander Wolfovich qui a commandé les manœuvres militaires en vue d’une offensive des troupes russes depuis la Biélorussie contre l’Ukraine. Soupçonné par la justice ukrainienne d’avoir ordonné le meurtre de masse de civils, Viktor Ianoukovitch figure sur la liste des sanctions thématiques «Ukraine» avec d’autres personnalités depuis mars 2019. Cependant, il n’est pas présent sur la liste des sanctions suisses bien que ses avoirs aient été gelés en 2014 pour blanchiment d’argent présumé.
Le groupe Wagner, et deux de ses membres, est la cible de sanctions européennes depuis décembre 2021, mais il n’est toujours pas visé par des sanctions suisses. Ces mercenaires se sont fait connaître durant la guerre du Donbass en 2014, puis ont fait leur apparition en Libye, en Syrie, en Centrafrique ou au Mali. Ils sont soupçonnés d’avoir tenté d’assassiner le président ukrainien Volodymyr Zelensky en mars.
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L’UE a également sanctionné plusieurs personnalités liées aux empoisonnements d’opposants au régime de Vladimir Poutine: le vice-ministre Pavel Popov, considéré comme responsable des stocks d’armes chimiques au sein du ministère russe de la Défense, le procureur général russe Igor Krasnov, responsable de l’arrestation et de l’inculpation d’Alexeï Navalny et l’Institut national de recherche en chimie organique. Jusqu’à présent, la Suisse s’est abstenue de sanctionner ces noms et ces institutions, indique Republik. Il en va de même pour deux espions russes qui auraient joué un rôle central dans l’empoisonnement de l’ex-agent russe Sergueï Skripal.
Des sanctions thématiques
Confronté par le magazine en ligne Republik, le Secrétariat d’état à l’économie (Seco), chargé d’appliquer les sanctions, a réagi: «Le Conseil fédéral a pris note que l’UE a sanctionné des citoyens russes sous certains régimes de sanctions thématiques». Cependant, la Suisse n’est ni juridiquement ni politiquement obligée d’accepter les sanctions de l’UE. «L’évaluation est faite au cas par cas sur la base de divers critères de politique étrangère, de politique économique étrangère et de droit.»
Contacté par nos soins, le Seco réaffirme que les quatre paquets de sanctions de l’UE, ficelés à la suite de l’invasion russe en Ukraine, ont été repris «intégralement» et mis en œuvre «en un temps record». Mais alors, pourquoi certaines personnes ou organismes sont-ils réprimés par Bruxelles et pas par Berne? C’est parce qu’ils figurent sur d’autres listes de sanctions, établies avant la guerre en Ukraine, répond le Seco. Il s’agit notamment de sanctions dites «thématiques», que l’Union européenne a introduites fin 2020 contre des individus ou entités violant gravement les droits de l’homme, et qui visent des ressortissants russes, mais pas seulement. «Une éventuelle adoption de ces sanctions de l’UE dans le cadre de la loi sur les embargos est actuellement en discussion au sein du Conseil fédéral.»
Selon le média Republik, la Confédération n’a pas précisé «quelles considérations spécifiques ont conduit au résultat qu’un Biélorusse et 27 Russes et Ukrainiens présumés criminels, trois autorités étatiques et le groupe Wagner ont été sanctionnés par 27 Etats membres de l’UE mais pas par la Suisse». Pour le média, «l’affirmation, répétée par le gouvernement suisse pendant des semaines, selon laquelle il a complètement adopté la liste des sanctions de l’UE, n’est pas complètement correcte».
Collaboration: Philippe Boeglin