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Wikileaks expose les dessous de la campagne Macron

L’organisation de Julian Assange a mis en ligne depuis lundi plus de 70 000 fichiers. Des documents issus du piratage informatique dont le mouvement «En Marche» a été victime en mai

Le président Emmanuel Macron, fondateur du parti En Marche!, à l’Elysée le 31 juillet. — © Eric Feferberg / AFP Photo
Le président Emmanuel Macron, fondateur du parti En Marche!, à l’Elysée le 31 juillet. — © Eric Feferberg / AFP Photo

«Nous nous interrogeons sur les mouvements reçus provenant visiblement de sociétés étrangères. […] Pour mémoire le financement de compte de parti est interdit en France pour des personnes morales sauf des partis ou associations politiques.» Daté du 29 mars 2017, ce rappel à l’ordre est signé par un responsable d’agence du Crédit Agricole. Il est adressé à Cedric O, coordinateur financier de la campagne présidentielle «d’En Marche», et à Julien Denormandie, aujourd’hui secrétaire d’Etat à la cohésion des territoires. Objet: le problème causé par plusieurs virements adressés par des entreprises basées à l’étranger, afin de soutenir le candidat Macron. Trois virements de 10 000 euros ce jour. Un autre de 15 000 euros. Tous contraires à la loi. Tous rejetés, suite à l’intervention de la banque…

Mis en ligne lundi par Wikileaks, l’organisation fondée par l’activiste Julian Assange (toujours reclus à Londres dans les locaux de l’ambassade d’Equateur), près de 70 000 fichiers électroniques piratés en mai donnent une idée plus juste de la campagne victorieuse de l’actuel président français. Beaucoup, c’est un point important, n’ont pas été vérifiés. Plusieurs faux grossiers avaient d’ailleurs, avant l’élection du 7 mai, été révélés par «En Marche» suite à ce piratage, dont l’enquête policière n’a pas pour l’heure établi formellement l’origine. Le mouvement a de nouveau dénoncé hier cette «opération de déstabilisation» et veut poursuivre Wikileaks en justice.

«En Marche comptait bien jouer les premiers rôles»

La nature des échanges, surtout lorsqu’ils portent sur des questions pratiques d’organisation est intéressante. Une somme importante d’e-mails est ainsi consacrée à la sélection des candidats aux législatives – un e-mail adressé par Alexis Kohler, actuel secrétaire général de l’Elysée, concerne l’actuel député des Français de Suisse Joachim Son-Forget, préféré à un autre candidat – et aux questions logistiques. Exemple: la location, pour 111 000 euros, de l’Accor Arena de Bercy où Emmanuel Macron a tenu l’un de ses derniers grands meetings d’avant premier tour, le 17 avril.

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Autre exemple: un e-mail du mois d’avril 2017 détaille les conditions d’accès des futurs candidats aux législatives aux prêts bancaires du Crédit coopératif. L’importance de la cellule «conformité» de la campagne est aussi détaillée à leur intention dans un message du 12 avril consacré aux «fiches juridiques envoyées aux référents et aux animateurs de comités locaux sur les dons, le tractage, la communication et les réunions publiques». Et d’ajouter: «Un QCM et une vidéo juridique leur ont également été envoyés.» Dès le 11 mars, soit deux mois avant les présidentielles et trois mois avant les législatives, un e-mail détaillé listait les responsables des équipes, les événements et la constitution d’un «organigramme type de campagne». La preuve que, dans tous les cas de figure En Marche! comptait bien jouer les premiers rôles sur la scène politique hexagonale.

Un positionnement bien décrit

En ce qui concerne les personnes, rien de nouveau. Les principaux animateurs de la campagne Macron sont connus, et la plupart – comme Ismaël Emelien, Sylvain Fort ou Alexis Kohler – ont rejoint leur candidat à l’Elysée. Intéressant toutefois: le très petit nombre de femmes en position décisionnaire. L’équipe d’En Marche est, dès le début, très masculine, composé de quadras liés entre eux. Quand aux proches du dirigeant centriste François Bayrou, ils s’empressent de faire allégeance: «Je le dis en toute modestie et vous le propose volontiers pour faire suite à ma promesse à Emmanuel de m’engager totalement pour lui et publiquement, dès la fin de mon mandat à la présidence nationale de l’ordre des experts-comptables, qui arrive dans deux semaines», écrit le 26 février Philippe Arraou, proche du dirigeant centriste rallié… trois jours plus tôt.

Le positionnement du candidat est bien décrit dans les fichiers de Wikileaks. Une foule d’e-mails concerne la question des jeunes. L’universitaire Denis Peschanski résume, dès le 13 mars: «Emmanuel est le candidat anti-sinistrose et c’est crucial de tenir ce cap.» La volonté de rupture est aussi creusée. Le 8 décembre 2016, Alexis Kohler, alors officiellement en poste à Genève chez le croisiériste MSC, propose «un concours Lépine de la simplification administrative». Idée repoussée. Le même Alexis Kohler, quelques semaines plus tôt, avait résumé l’état d’esprit d’En Marche sur la réforme du droit du travail: «Sur le travail, c’est vraiment la deuxième question la plus importante car au bout du compte l’essentiel est de savoir si les Français sont effectivement convaincus que mieux vaut des travailleurs pauvres que des chômeurs bien indemnisés et que l’emploi est clé pour préserver les perspectives d’intégration de mobilité sociale.» Les projets de réformes qui seront votés à l’automne partent de ce constat…

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