Ce 1er mai, à trois semaines des élections européennes, Marine Le Pen a transformé le traditionnel hommage du Front national à Jeanne d’Arc en tribune pour mobiliser ses partisans, ainsi qu’en meeting anti-européen. «Ne me décevez pas et allez voter, c’est votre devoir de patriotes», a-t-elle lancé, sur la place de l’Opéra, à une foule de 5000 personnes selon la police, 20 000 selon le FN. La présidente du parti souverainiste a tenu l’un de ses discours les plus virulents à la fois contre l’Union européenne, contre le chef de l’Etat François Hollande, qualifié de «sous-préfet européen», et contre l’UMP, accusée de s’être «vautrée dans la soumission à Bruxelles et à l’Allemagne» durant dix ans.
Après le succès des élections municipales, l’enjeu est primordial pour Marine Le Pen, qui redoute l’abstention des europhobes. Elle caresse l’ambition de voir le FN se hisser en tête du scrutin, ce qui lui permettrait de le présenter comme le premier parti de France; elle rêve dans la foulée d’une dissolution de l’Assemblée nationale. Selon les sondages sur les intentions de vote, le FN est aujourd’hui au coude-à-coude avec l’UMP. Quoi qu’il arrive, il progressera: lors des dernières élections européennes en 2009, le parti de la famille Le Pen n’avait remporté que 6% des voix, faisant élire trois députés européens sur 72, dont le père et sa fille. Portée par sa progression depuis la présidentielle de 2012, Marine Le Pen poursuit un deuxième objectif: créer un groupe au Parlement européen avec d’autres partis populistes. L’ambition finale est claire: être assez fort «pour liquider le système», «impossible à réformer à 28».
La liste des reproches qu’adresse Marine Le Pen à l’Europe est longue. Ses critiques touchent d’abord l’euro, accusé de «précipiter la désindustrialisation de la France». Sa rhétorique s’attaque ensuite aux règles budgétaires, responsables à ses yeux de la «soumission» des Etats à Bruxelles».
Libre circulation conspuée
Mais la présidente du Front réserve ses tirades les plus violentes à la politique migratoire (elle demande la sortie de Schengen), au «statut grotesque» des travailleurs détachés et à la libre circulation avec les pays de l’est de l’Europe. «On entre [en France] comme dans un moulin. Notre pays a un besoin urgent de redevenir maître chez lui», clame-t-elle, encouragée par les militants qui hurlent «On est chez nous!», le slogan préféré des frontistes. Elle poursuit en dénonçant «les travailleurs français impitoyablement mis en concurrence avec des travailleurs moins bien payés», venus de Roumanie ou de Pologne, ainsi que «l’organisation délibérée de la mise à genou des artisans et des ouvriers français».
Musclé aussi, le passage de son discours sur «l’élargissement insensé de l’Europe à l’Est». L’Europe des Vingt-Huit fait également polémique parmi les eurosceptiques de l’UMP. L’ancien ministre Laurent Wauquiez critique ainsi les trop fortes différences, en termes économiques et sociaux notamment, entre anciens et nouveaux membres: elles rendent, selon lui, l’intégration de certains pays difficile et contribuent à faire progresser le ressentiment des citoyens de l’ouest de l’Europe envers l’Union .