Les images de 339 cercueils alignés dans une morgue improvisée à l’aéroport de Lampedusa il y a deux mois avaient frappé les esprits. Le 1er octobre, 549 hommes, femmes et enfants avaient quitté le port libyen de Misrata à bord d’un navire de fortune, mettant le cap sur l’Europe, la «terre promise». Deux jours plus tard, l’embarcation avait chaviré au large de l’île italienne. Au fil des jours, 339 cadavres avaient été pêchés du fond de la mer; 155 survivants avaient réussi à gagner la rive. D’après des historiens, c’était le naufrage le plus meurtrier de l’après-guerre en Europe. Plus jamais ça, avaient alors déclaré en chœur les dirigeants européens.

Deux mois plus tard, la commissaire Cecilia Malmström chargée de l’Intérieur a présenté un plan visant à éviter des tragédies comme celle de Lampedusa. Les points forts: surveillance renforcée de la Méditerranée, lutte contre les trafiquants d’êtres humains, collaboration avec les pays pourvoyeurs de réfugiés, solidarité entre les pays d’accueil et procédures facilitées pour l’obtention de visas pour les vrais réfugiés. Ces mesures seront débattues ce jeudi lors de la réunion mensuelle des ministres européens de l’Intérieur. Simonetta Sommaruga, cheffe du Département fédéral de justice et police, sera présente. Elles seront ensuite soumises au Conseil européen le 20 décembre à Bruxelles.

«L’UE a discuté durant quatorze ans pour se doter d’une politique commune en matière de réfugiés, a déclaré hier Cecilia Malmström. Elle est entrée en vigueur en juin, mais montre déjà ses insuffisances.» Selon la commissaire, les Vingt-Huit ont intérêt à mener un débat dépassionné sur les moyens de mettre en place une politique humaniste sans que celle-ci ne soit une invitation à l’immigration en Europe.

La toute première mesure passe par une surveillance renforcée de la Méditerranée. Objectif: détecter les embarquements clandestins, plus particulièrement dans la zone allant de Chypre à l’Espagne. Cette tâche est déjà assurée par Frontex, un réseau de patrouilles nationales en mer, mais qui manque cruellement de fonds. Cecilia Malmström réclame 14 millions d’euros supplémentaires par année. Frontex travaillera en complémentarité avec Eurosur. Ce réseau de collecte et d’échange d’informations sur tous les mouvements en Méditerranée est opérationnel depuis lundi.

«Je veux rassurer les [commandants de] navires que le fait d’aider les migrants en danger ne comporte aucun risque de se faire amender, pour autant qu’ils agissent en bonne foi», a déclaré la cheffe de la sécurité européenne. Dans le passé, des marins se sont abstenus d’intervenir par crainte de sanctions. La loi européenne à ce sujet a été vivement critiquée suite à la tragédie de Lampedusa.

Cecilia Malmström reconnaît que de nombreux candidats à l’immigration choisissent les voies clandestines à cause de procédures difficiles et longues pour l’obtention de visas. Elle réclame un assouplissement pour les séjours temporaires. Par ailleurs, elle a plaidé pour un «visa humanitaire» en faveur des personnes déracinées ou en danger. Prenant l’exemple de réfugiés syriens fuyant la guerre, elle a demandé un effort des pays européens. Dans le même registre, elle a annoncé un soutien financier de 50 millions d’euros, dont 30 à l’Italie, pour financer le renforcement de la surveillance de la Méditerranée et des structures d’accueil pour réfugiés.

Enfin, la commissaire entend mener la guerre contre des trafiquants d’êtres humains et des passeurs dans les pays de transit comme dans les pays d’origine. Cecilia Malmström veut mobiliser l’Europol à cette tâche et prévoit une somme de 400 000 euros supplémentaires par année. Elle veut également négocier des accords de coopération avec les pays d’Afrique du Nord en matière de migration et de mobilité entre les deux rives de la Méditerranée. «Tout en sachant qu’il est difficile d’entrer en matière avec de nombreux Etats, comme la Libye ou l’Egypte, qui sont instables et faibles», a-t-elle ajouté.

Dans le passé, des navires se sont abstenus d’aider des migrants en danger par crainte de sanctions