Hadeel al-Hachlamoun est-elle morte pour rien? Le 22 septembre dernier, cette femme âgée de 18 ans et entièrement voilée a été abattue de dix balles par plusieurs soldats de l’Etat hébreu alors qu’elle refusait de subir un contrôle à Hébron. Selon les éléments de la brigade Givati en faction sur les lieux, elle tenait un poignard à la main qu’elle aurait refusé de lâcher malgré les sommations. Mais, selon plusieurs témoins, dont un Brésilien travaillant pour une ONG, elle n’était pas menaçante. Quoi qu’il en soit, le corps de la jeune femme s’est vidé de son sang pendant trois quarts d’heure. Filmée par des caméras de surveillance ainsi que par plusieurs smartphones, la scène a été envoyée aux principaux réseaux sociaux. Ce qui a obligé Tsahal (l’armée israélienne) à ouvrir une enquête. Résultat? Les officiers enquêteurs concluent que les soldats ont «agi avec retenue». Mais, si leur rapport conclut qu’ils ont eu raison d’ouvrir le feu, il estime également qu’ils auraient pu éviter de tuer la jeune femme en tirant dans le bas de son corps afin de la neutraliser. Depuis le début de cette «Intifada des couteaux», dix Israéliens ont été tués et 132 autres ont été blessés. Du côté palestinien, le Croissant-Rouge comptabilise 72 morts. Parmi ceux-ci, une cinquantaine d’auteurs avérés d’attaques à l’arme blanche abattus sans autre forme de procès ainsi que des personnes «neutralisées» parce que les soldats, les policiers ou les gardes-frontière israéliens les soupçonnaient de vouloir passer à l’acte.
Exactions aux barrages
En raison des circonstances mal éclaircies dans lesquelles elles ont été perpétrées, au moins la moitié de ces «liquidations» extrajudiciaires font actuellement l’objet d’investigations lancées par la justice militaire de l’Etat hébreu. Parce que les images de ces scènes dramatiques se diffusent désormais de manière virale sur le Net et choquent l’opinion, mais également parce que l’Autorité palestinienne (AP) a transmis vendredi dernier à la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, un dossier traitant de plusieurs cas. Dont celui de Hadeel al-Hachlamoun.
C’est pour empêcher l’AP d’aller à La Haye que la justice militaire israélienne multiplie les investigations relatives aux «liquidations» extrajudiciaires ainsi qu’aux traitements dégradants infligés par certains soldats à des Palestiniens suspectés de vouloir participer à l’«Intifada des couteaux».
Dimanche matin s’est ainsi ouvert devant le Tribunal militaire de Jaffa (Tel-Aviv) le procès de cinq soldats accusés d’avoir battu des prisonniers palestiniens le 7 octobre dernier aux environs de Jénine. Ligotés, bâillonnés et rendus aveugles par le sac qu’ils portaient sur la tête, ces hommes soupçonnés d’être des «terroristes» en route pour commettre un attentat à l’arme blanche ont été longuement passés à tabac. Pour rien et sans pouvoir se défendre.
Parmi les cinq inculpés figure un soldat identifié sous la lettre «R». Il est accusé de s’être livré à des actes de torture sur l’un des Palestiniens ligotés en lui infligeant des décharges électriques dans la nuque. Selon l’acte d’accusation, «R» filmait la scène avec son smartphone et augmentait la puissance des décharges au fur et à mesure que le prisonnier lui demandait d’interrompre le supplice. Quelques jours plus tard, il a, sans raison, appliqué le même traitement à un autre Palestinien capturé dans un village proche de la ville de Tulkarem, en Cisjordanie.