Face aux gages de Damas, le doute
Syrie
La répression s’intensifie à la veille d’une grande manifestation
Damas accepte de retirer ses chars des rues, de relâcher les prisonniers politiques et d’initier un dialogue avec l’opposition, a affirmé mercredi la Ligue arabe, au terme d’une médiation consacrée à la recherche de solutions à la crise syrienne. Mais l’heure est au scepticisme, alors que la répression redouble d’intensité. Jeudi, le Conseil national syrien, qui regroupe la majorité des opposants au président Bachar el-Assad, a fait part à la Ligue de ses craintes face au «manque de crédibilité du régime quant à l’application de ses promesses».
«Nous mettons en doute l’acceptation par le régime syrien des clauses du plan» arabe, ont déclaré quant à eux les Comités locaux de coordination (LCC), qui chapeautent la contestation sur le terrain. Jeudi, les militants syriens ont rapporté la mort d’au moins vingt civils à Homs, l’un des épicentres de la révolte contre le régime qui a éclaté au mois de mars en Syrie.
La veille déjà, les violences ont causé la mort de 34 personnes dans la province de Homs: huit civils abattus par les forces de l’ordre et onze ouvriers, retrouvés morts, «tués par des hommes armés venant de villages pro-régime», selon les militants. Les corps des victimes, ligotées et bâillonnées, portaient des signes de torture.
L’Observatoire syrien pour les droits de l’homme a aussi rapporté la mort de 15 membres des forces de l’ordre syriennes. Depuis que des déserteurs ont rejoint les rangs de l’opposition, des milices se sont formées pour attaquer les troupes armées du gouvernement. L’Armée syrienne libre, un groupe de déserteurs venus en renfort aux manifestants, a déclaré qu’elle suivrait le plan de la Ligue si Damas s’engage à faire de même. «Si le régime ne respecte pas cet accord, nous serons forcés de protéger les contestataires» et de faire chuter le pouvoir, ont averti les combattants sur leur page Facebook.
De nombreux observateurs doutent de la volonté du président syrien de mettre en place le plan arabe, qui prévoit l’arrêt total des violences, quelles que soient leurs sources, pour protéger les citoyens syriens; la libération des détenus arrêtés depuis le début des manifestations, estimés par la Ligue arabe au nombre de 70 000; l’évacuation des forces militaires des villes et, enfin, l’autorisation pour les représentants de la Ligue arabe et les médias étrangers de se déplacer librement partout en Syrie pour s’informer de la réalité de la situation. Une fois que le gouvernement aura fait preuve d’un «progrès tangible», souligne encore La Ligue arabe, un dialogue national entre le régime et l’opposition se tiendra dans un délai de deux semaines.
«Une couverture»
Parmi les plus sceptiques, certains analystes estiment que ce plan ne serait qu’un paravent de la Ligue afin d’éviter l’intervention de forces étrangères en Syrie. «Les pays arabes tentent de sauver l’un de leurs piliers», déclare à l’AFP l’analyste Abdel Wahab Badrakhan, basé à Londres.
«Le plan de la Ligue pourrait rapidement devenir une couverture derrière laquelle l’opposition serait définitivement écrasée pendant que le régime mène un vague dialogue avec des interlocuteurs qu’il aura désignés», suppute un éditorialiste du Guardian . En Syrie, l’opposition appelle à des manifestations massives vendredi afin de tester la volonté de Damas.