C’est l’épreuve de force. Après quatre jours de tourmente boursière déclenchée par les attaques sur la dette grecque, les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone Euro ont décidé, vendredi dans la nuit, de défier les spéculateurs. Ils avaient auparavant définitivement approuvé le plan européen d’aide à la Grèce doté de 80 milliards d’euros, confirmant que des «premiers versements» auront lieu dans les prochains jours.

Dans un court communiqué publié après six heures de négociations, ponctuées de réunions bilatérales, les seize pays dotés de la monnaie unique ont surtout annoncé la mise sur pied, d’ici l’ouverture des bourses lundi matin, d’un «mécanisme de stabilisation» pour aider leurs pays qui seraient confrontés à des difficultés financières.

Sans entrer dans les détails, cet ordre de marche promet la mobilisation de toutes les instances communautaires, Banque centrale européenne (BCE) comprise: «L’objectif, c’est de doter la zone Euro d’un véritable gouvernement économique», a déclaré le président français Nicolas Sarkozy qui, fidèle à son habitude, a occupé le devant de la scène.

Nicolas Sarkozy a en revanche nié des propos de diplomates selon lesquels ses propositions auraient suscité de «vives réactions» de la part de la chancelière allemande Angela Merkel, accusée depuis le début de l’année de traîner les pieds pour aider la Grèce. Cette crise est systémique, la réponse doit donc être systémique, a asséné le Français, pour qui l’axe franco-allemand est «d’une solidité totale» dans cette épreuve financière causée par une vague de spéculations sans précédent.

Interrogés sur le contenu exact des mesures qui seront prises, tous les dirigeants de l’Eurogroupe ont éludé. Le document de vendredi exige que la Commission européenne fasse des propositions samedi, afin qu’un Conseil extraordinaire des ministres des finances de l’UE (ECOFIN) se réunisse dimanche soir pour en discuter et les adopter.

La réunion urgente de ce Conseil Ecofin, sans attendre l’échéance normale du 18 mai, est destinée à contrer les marchés lundi matin, et se justifie par le fait que seuls les vingt-sept Etats membres de l’UE peuvent décider d’activer les mécanismes communautaires. Les décisions requièrent seulement la majorité qualifiée. «Toutes les institutions sont décidées à agir», a continué Nicolas Sarkozy, selon lequel «la réponse à la situation d’urgence ne peut pas passer par une révision des traités», trop longue et trop incertaine.

Le dispositif pourrait s’appuyer sur une clause du traité européen de Lisbonne qui permet à l’Union européenne d’apporter une assistance financière à des pays membres en cas de «circonstances exceptionnelles». Il comporterait une contribution concrète de la Banque centrale européenne, laquelle pourrait contribuer à «un fonds» de soutien pour les pays menacés et acheter des emprunts émis par les Etats de la zone euro, pour leur fournir en échange des liquidités. La Commission pousse en outre pour que la BCE fasse une proposition concrète de soutien à la zone euro, par exemple pour venir en aide si besoin à tous les pays de la zone, quelles que soient les évaluations des agences de notation.

«L’Europe sera prête à défendre l’Euro», a conclu, le visage grave, le président français, tandis qu’Angela Merkel a promis «un signal très fort» pour lundi. «Les spéculateurs en seront pour leurs frais», a ajouté Nicolas Sarkozy en citant de mémoire les courbes de spéculation sur les dettes grecques, portugaises et espagnoles ces derniers jours. Une accélération de la réglementation bancaire, un encadrement des produits dérivés, une «moralisation» des agences de notation décriées et un renforcement de la direction de l’Eurogroupe sont aussi au programme, sous la conduite du président du Conseil Européen, le très discret Herman Van Rompuy.