Facebook accusé dans les débordements des «apéros géants»
France
Un jeune homme de 21 ans s’est tué par accident après avoir trop bu lors d’un «apéro géant» organisé à Nantes depuis Facebook. Des rendez-vous similaires viennent d’être interdits ce week-end à Annecy et Chambéry. Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, présidera la semaine prochaine «une réunion de travail sur les apéros géants»
Le principe est le même à chaque fois: un groupe créé sur Facebook propose un lieu et un jour de rendez-vous pour boire ensemble. Un rassemblement annoncé comme bon enfant et festif, à l’image de ces «soirées des voisins» qui ont aussi fleuri ces deniers mois grâce aux réseaux sociaux. Mais de fait, ces apéritifs donnent souvent très vite dans le «binge drinking», cette façon anglo-saxonne de boire beaucoup, très fort et très vite pour s’étourdir au plus vite. Dans le discours public, l’expression originale d’apéro géant a vite fait place à celle de beuverie générale.
C’est ainsi qu’un jeune homme de 21 ans, lui-même pompier volontaire, est mort à Nantes (ouest) mercredi soir, après un de ces «apéros géants» qui avait réuni plus de 9’000 personnes. Les autorités judiciaires ont révélé vendredi que le jeune maçon avait 2,40 grammes d’alcool dans le sang, ce qui signifie qu’il avait consommé «de 10 à 15 verres d’alcool fort» au cours de la soirée. Dans la nuit, accompagné d’amis, il a basculé dans le vide après avoir essayé d’escalader la rambarde d’un pont.
C’est la première fois qu’un de ces apéritifs géants se solde par la mort d’un homme, depuis le premier événement du genre, déjà à Nantes, en novembre 2009. La municipalité avait d’ailleurs beaucoup hésité avant d’autoriser ce rassemblement, craignant les débordements: difficile d’assurer le maintien de l’ordre d’une manifestation avec des milliers de personnes ivres, sans organisateurs avec qui discuter. Pour la préfecture, « l’anonymat derrière lequel se dissimulent les personnes ayant appelé à ce rassemblement revêt un caractère d’autant plus irresponsable».
Le maire de la ville, le socialiste Jean-Marc Ayrault, n’avait pas de mots assez durs vendredi pour appeler à un sursaut de la conscience collective, et pour interpeller le gouvernement. Car les autorités sont inquiètes devant la multiplication de ces réunions semi-improvisées. Violences possibles et crainte de dégradations s’ajoutent aux risques sanitaires de comas éthylique. Tout près de chez nous, la préfecture de Haute-Savoie a préféré interdire l’apéro géant qui devait avoir lieu ce week-end à Annecy, sur le Pâquier (300 inscrits). L’interdiction concerne le port, le transport et la consommation d’alcool sur la voie publique. «Tenir un rassemblement sans déclaration préalable ou malgré une interdiction expose les organisateurs à une sanction pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende», précise même la préfecture. Celle de Savoie a fait de même en interdisant une réunion à Chambéry (plus de 1000 inscrits, Chambéry est une ville universitaire).
La question des coûts aussi est importante. A Nantes, 500 membres des forces de l’ordre avaient été mobilisés pour assurer la sécurité de la soirée. A Brest, l’apéro géant du mois dernier a coûté 50’000 euros à la municipalité, otamment en frais de nettoyage.
Faudrait--il interdire ce type de réunion? A Montpellier les autorités ont finalement dû s’incliner mercredi devant l’affluence, 10’000 personnes ayant choisi de braver l’interdiction. Bilan: 29 personnes ont dû être secourues dont 10 ont été hospitalisées.
Facebook responsable?
Sur le plus pèopulaire des réseaux sociaux courent en ce moment des invitations pour des villes françaises attendues comme Brest ou Toulouse, cités étudiantes, mais aussi plus improbables comme Tulle, en Corrèze, ou Libourne, en Gironde. Un groupea a même été créé pour centraliser tous les apéros géants. Sur son « mur », beaucoup d’internautes redoutent que les réseaux sociaux soient rendus responsables des excès constatés, et estiment que les autorités veulent en fait reprendre en mains des opérations qu’elles détestent ne pas contrôler. «L’espace public est à tout le monde, et les interdictions de rassemblement, sauf incitation à la haine ou à la violence sont anti-constitutionnelles», rappelle ce commentaire.
Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, présidera la semaine prochaine «une réunion de travail sur les apéros géants». Le cas de Paris sera sur la table, avec une invitation lancée pour le 23 mai au Champ de Mars. La préfecture de police a déjà lancé des mises en garde - sur Facebook, bien sûr.