Le fardeau de la corruption dans l’UE
Europe Les Etats perdent au moins 120 milliards d’euros par année
Bruxelles demande une mobilisation contre les fraudeurs
Pots-de-vin, commissions occultes, emplois fictifs, détournement de fonds publics, financement délictueux de partis politiques. Ce sont des pratiques courantes dans le monde et auxquelles les Etats membres de l’Union européenne (UE) n’échappent pas. Selon le rapport anti-corruption de l’UE, une première en la matière, publié lundi, la Commission estime à 120 milliards d’euros le coût à l’économie par an. «C’est certainement beaucoup plus», s’est exclamée Cecilia Malmström, commissaire aux Affaires intérieures. A titre de comparaison, 120 milliards d’euros, c’est l’équivalent du budget annuel de la Commission ou du deuxième plan d’aide européen – qui a permis à la Grèce, en début 2012, d’éviter la faillite.
Les cas de corruption ne manquent pas. Ils touchent tous les secteurs de la société. En France, en Italie, au Royaume-Uni, le paiement de commissions en échange de contrats est érigé en système. En Belgique, un grand procès s’est ouvert hier contre un réseau criminel impliqué dans des paris truqués dans le football. Dans certains pays, les patients doivent payer des dessous-de-table pour accéder aux soins. Dans les jeunes démocraties d’Europe de l’Est, le phénomène est une préoccupation majeure. Le rapport montre non seulement la nature des actes répréhensibles, mais aussi l’inefficacité de la lutte. Il en ressort que la corruption mérite une plus grande attention dans tous les Etats membres.
Le mal existe même là où on ne le pensait pas. «La corruption sape la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et l’Etat de droit, a poursuivi Cecilia Malmström. Elle nuit à l’économie et prive les pouvoirs des recettes fiscales dont ils ont cruellement besoin.» Selon la commissaire, la lutte contre la corruption jouerait un rôle positif dans la sortie de crise.
La Commission a également rendu publics hier les résultats de l’enquête Eurobaromètre portant sur la perception des Européens à l’égard de la corruption. Trois quarts (76%) d’entre eux estiment qu’il s’agit d’un phénomène très répandu et plus de la moitié (56%) affirme que le niveau du fléau dans leur pays a augmenté au cours des trois dernières années. Un Européen sur douze déclare avoir fait l’objet ou été témoin d’un acte de graissage de patte en 2013. Quatre entreprises sur dix affirment qu’elles n’ont pu décrocher de contrats face à celles qui pratiquent la corruption.
Le rapport fait ressortir que des dispositions incriminant les pots-de-vin dans le secteur privé sont en vigueur dans presque tous les pays. Mais elles ont été transposées de manière inégale. Le fisc ne permet certes plus la déduction du bakchich payé pour décrocher des contrats à l’étranger depuis une décennie suite à la mise en place des règles internationales. «Le fait d’instituer une agence anti-corruption n’est pas la panacée, a ajouté Cecilia Malmström. Les poursuites couronnées de succès sont rares ou les enquêtes sont excessivement longues.»
Le rapport met en lumière les domaines à risques. En premier, les marchés publics, un secteur de grande importance. Chaque année, un cinquième du produit intérieur brut de l’UE est consacré à l’acquisition de biens, aux travaux et aux services. Une telle masse d’argent met forcément l’eau à la bouche des fraudeurs.
Autre zone sensible, les administrations locales et régionales où les garde-fous et les contrôles sont souvent moins stricts qu’au niveau central. Par exemple, plusieurs centaines de personnes avaient été faussement déclarées non voyantes en Sicile, avec la complicité des autorités locales, pour pouvoir toucher une allocation sociale. Le rapport pointe aussi du doigt la promotion et la construction immobilières en zones urbaines.
Enfin, il porte sur la responsabilité des formations politiques. «De nombreux Etats se sont dotés de règles en la matière, mais d’importantes lacunes subsistent, a déclaré la commissaire aux Affaires intérieures. Il est rare de voir imposer des sanctions contre le financement illégal des partis dans l’Union.»
Un Européen sur douze déclare avoir fait l’objet ou été témoind’un acte de graissagede patte en 2013