La presse l’a baptisée «la Merkel du SPD», et rien ne peut davantage exaspérer Hannelore Kraft. A 48 ans, cette politicienne au parcours atypique entend devenir, dimanche, la première ministre-présidente de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et par là même rendre le Land à son parti, dans l’opposition depuis 2005 après trente-neuf années à diriger sans partage la région la plus peuplée d’Allemagne (ouest du pays). Comme Angela Merkel, Hannelore Kraft affectionne les tailleurs-pantalons et, comme la cheffe de la CDU, elle a, à la surprise générale, raflé le pouvoir à la barbe de ses rivaux masculins. Comme Merkel, non sans succès…
«Solution d’urgence»
Hannelore Kraft est entrée tard en politique. Cette diplômée en sciences économiques entreprend d’abord une carrière de consultante dans les milieux d’affaires. Lorsqu’elle intègre le SPD, en 1994, à l’âge de 33 ans, la social-démocratie semble indéboulonnable à Düsseldorf. Hannelore Kraft est élue députée en 2000, devient ministre aux Affaires européennes puis des Sciences et techniques au sein du gouvernement régional. Sa carrière n’est entachée d’aucun scandale. Mais rien à l’époque ne semble la destiner à un rôle de premier plan sur l’échiquier politique allemand.
«Kraft a hérité du SPD en Rhénanie comme un administrateur judiciaire d’une entreprise en faillite», estime Reiner Priggen, le chef de la fraction verte au parlement régional. Là encore, la situation rappelle celle d’Angela Merkel, qui s’est hissée à la tête de la CDU à la faveur du scandale des caisses noires qui a éclaboussé Helmut Kohl. «Kraft était une solution d’urgence», admet-on au sein du parti à Berlin. Le déclin de la social-démocratie dans l’ancien bassin du charbon allemand, la Ruhr, s’est soldé par la cuisante défaite historique du parti aux élections de 2005, au profit de la CDU et de Jürgen Rüttgers, un technocrate vivant à des année-lumière du monde ouvrier.
Aujourd’hui, le SPD ne compte plus que 137 000 membres dans la région. «Après la défaite, tous les cadres du SPD ont cherché à sauver leur peau, à Berlin ou en passant en entreprise», souligne le quotidien Süddeutsche Zeitung. Hannelore Kraft, qui a fait le pari de rester, prend la tête de l’opposition régionale, devient tête de liste face à Jürgen Rüttgers. Et se fait remarquer par une campagne électorale aussi fraîche qu’offensive.
Origines modestes
«Je suis authentique», assure Hannelore Kraft. De contact facile, elle distribue sans façon tracts et roses rouges sur les marchés, parle de sa passion pour le football, le basket et le handball, de sa vie entre Udo (son mari), Jan (son fils de 17 ans) et sa mère (qui vit chez elle depuis la disparition du père), de sa gestion des finances familiales (elle note scrupuleusement chaque dépense dans un petit cahier), des vacances en famille dans le Sauerland (à quelques kilomètres de la maison familiale), de ses origines modestes (père et mère ont travaillé dans les chemins de fer), de ses 36 cousins et cousines, des fêtes de famille de son enfance…
Son programme est proche des préoccupations des électeurs: suppression des frais d’inscription à l’université, davantage de crèches… Mais sa marge de manœuvre serait étroite: les communes de la région sont parmi les plus endettées d’Allemagne et les pouvoirs d’un ministre-président du Land limités. Hannelore Kraft est favorable au maintien des subventions au charbon et à l’affectation des chômeurs de longue durée à des tâches sociales. Mais sur ces points qui relèvent de la compétence du Bund, elle n’aurait de mot à dire que si la victoire du SPD était telle dimanche à Düsseldorf qu’elle puisse inverser la majorité au Bundesrat.