La fille Timochenko en croisade
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Eugénia Timochenko donnait mercredi à Genève une conférence pour dénoncer l’incarcération de sa mère, la célèbre opposante aux tresses blondes. Peu avant, les membres de l’ONU se réunissaient pour procéder à l’examen périodique universel de l’Ukraine
L’avocat de Ioulia Timochenko, Geoffrey Robertson, affiche un sourire de satisfaction. Mercredi, devant le Conseil des droits de l’homme à Genève, plusieurs délégations diplomatiques, dont Berne, ont prononcé le nom de sa cliente. «La Suisse a été la première à briser le tabou», a déclaré l’homme de loi, de passage à Genève, en demandant à Kiev de régler l’affaire Timochenko. L’opposante aux tresses blondes purge une peine de sept ans de prison pour abus de pouvoir, après la signature d’un contrat gazier avec la Russie lorsqu’elle était premier ministre. A cela se sont ajoutées des poursuites pour fraude fiscale et détournement de fonds. L’ancienne égérie de la Révolution orange estime être victime d’une vengeance politique du président ukrainien, Viktor Ianoukovitch. Après avoir épuisé de multiples recours en Ukraine, les avocats de Ioulia Timochenko ont fait appel à la Cour européenne des droits de l’homme, qui devrait se prononcer prochainement.
La Suisse «préoccupée»
Depuis son incarcération en août 2011, les relations diplomatiques entre Kiev et l’Union européenne n’ont cessé de se détériorer. Hier matin, à quatre jours des élections législatives en Ukraine, une nouvelle preuve en a été donnée devant le Conseil des droits de l’homme: c’était au tour de Kiev de se prêter à la critique, lors de cet examen qui passe en revue, tous les quatre ans, la situation des libertés dans chaque Etat membre de l’ONU (lire ci-contre). A cette occasion, plusieurs pays, à l’image de la Suisse, se sont déclarés «préoccupés» par la détention et le traitement des membres de l’ancien gouvernement, dont Ioulia Timochenko, et ont appelé l’Ukraine à respecter les droits de l’homme et à assurer un procès équitable aux détenus.
De son côté, en réponse aux recommandations qui lui ont été faites, l’Ukraine a, d’entrée de jeu, présenté comme un exemple de réussite majeure son nouveau Code pénal, adopté au printemps 2012, point central d’une vaste réforme judiciaire destinée à rendre les institutions du pays acceptables aux yeux des démocraties occidentales. Cette réforme est aussi la condition préalable mise par l’Union européenne à la signature d’un accord d’association, qui comprend un volet crucial sur la création d’une zone de libre-échange.
«Je crains la dictature»
«Camouflage», «fausses réformes», s’énerve Eugenia Timochenko, la fille de la plus célèbre des détenues ukrainiennes, venue dénoncer à Genève la machine judiciaire qui a envoyé sa mère en prison. Serrée dans un tailleur gris, la mine contrite, elle peint un sombre tableau de la situation dans son pays, à l’approche des élections législatives. Si «le monde démocratique» ne réagit pas pour dénoncer ces élections «ni libres, ni régulières», dit-elle, «je crains que l’Ukraine ne devienne une dictature». Le scrutin de dimanche sera le premier depuis la victoire du président Viktor Ianoukovitch en 2010 face à Ioulia Timochenko. Il sera observé de près par l’Union européenne.