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La force de paix est accueillie dans la liesse

Les premiers soldats nigérians ont pris position à l'aéroport de Monrovia. La population veut croire que la guerre est finie. Le retour à la normale s'annonce très long.

Dix heures trente, lundi matin. L'hélicoptère blanc de transport de troupes MiL 28 des Nations unies, se pose, sous une pluie battante, sur la piste de l'aéroport international de Monrovia. Une vingtaine de militaires sautent de l'avion sans même attendre que les hélices cessent de tourner. Ils courent, presque à genoux comme si des tirs pouvaient les accueillir, pour se positionner aux quatre coins de la piste. En fait de tirs, ce sont de larges sourires qui leur souhaitent la bienvenue. Ceux de quelques dizaines de Libériens venus vérifier de leurs propres yeux l'arrivée tant attendue de la force africaine d'interposition. Aucun cri de leur part, juste quelques murmures sous la pluie. «La paix, la paix est arrivée. C'est Dieu qui l'a voulue», affirme Mangon. «Nous allons pouvoir enfin manger.»

Deux heures plus tard, l'atmosphère est devenue moite, la pluie bat son plein sur le tarmac, mais cette fois, la nouvelle du déploiement a fait le tour des quartiers voisins de l'aéroport. Les Libériens sont des centaines massés le long de la piste lorsque le troisième hélicoptère se pose. La clameur de la foule est telle que même les hélices de l'hélicoptère ne peuvent la couvrir. Ce sont des hurlements de joie, des pleurs, des embrassades, des danses et des chants qui continueront plusieurs heures. Les hommes, les femmes avec des enfants dans les bras, des jeunes: tous entonnent en chœur les bras levés: «We want peace, no more war.» «Nous voulons la paix, plus la guerre.»

Sourires sur les visages

Simultanément, 60 kilomètres plus loin, les rebelles du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie), qui tiraient encore la veille à coups de kalachnikovs et de roquettes contre les troupes gouvernementales, entament un match de foot… un drapeau blanc planté à l'entrée du territoire sous leur contrôle. Leur chef, Sekou Conneh, était lundi à Rome. Il avait répondu à l'invitation de Sant'Egidio après avoir fait appel, déjà début juin, à la médiation de cette communauté laïque pour un «dialogue interlibérien». Il a assuré que son mouvement ne chercherait pas à prendre le pouvoir. «Nous avons accepté l'idée que l'intérim doit avoir pour dirigeant une personne de la société civile. Nous aurons quelques représentants au gouvernement, mais pour ma part, je resterai à l'écart.»

A Mamba, quartier du centre situé derrière les deux ponts stratégiques, l'atmosphère est tendue. Aucun sourire sur les visages des centaines de personnes sorties pour se ravitailler. Les rues grouillent de monde. C'est le premier jour sans combat depuis l'éclatement de la crise il y a un mois. Les gens se déplacent avec des sacs de bois, des matelas ou des sceaux d'eau sur la tête. Ils ne semblent avoir qu'un objectif: faire vite. Et pour cause. Quelques tirs d'éléments incontrôlés ont été entendus. Des disputes éclatent devant des barrages de l'armée. La situation pourrait très vite dégénérer.

Pour les civils, la force de paix n'est pas encore concrète. Des petits transistors collés à l'oreille, ils attendent la confirmation du déploiement, synonyme de nourriture, d'eau, d'électricité et de paix. Ils savent que l'une des premières missions de la force d'interposition ouest africaine (la Cedeao) sera d'ouvrir un couloir humanitaire libérant l'accès aux stocks situés au niveau du port, une zone tenue par les rebelles. Certains portent des T-shirts où l'on peut lire: «Dieu soit loué pour l'Ecomil», du nom donné à la Force de la communauté économique des pays d'Afrique de l'Ouest. D'autres tiennent des pancartes avec d'un côté le drapeau libérien, de l'autre ce slogan plein d'espoir: «Enfin la paix». Mais ce qu'ils n'ont pas encore réalisé, c'est qu'il faudra des semaines voire des mois pour que la vie dans cette ville de un million d'habitants revienne vraiment à la normale.