Sourires sur les visages
Simultanément, 60 kilomètres plus loin, les rebelles du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie), qui tiraient encore la veille à coups de kalachnikovs et de roquettes contre les troupes gouvernementales, entament un match de foot… un drapeau blanc planté à l'entrée du territoire sous leur contrôle. Leur chef, Sekou Conneh, était lundi à Rome. Il avait répondu à l'invitation de Sant'Egidio après avoir fait appel, déjà début juin, à la médiation de cette communauté laïque pour un «dialogue interlibérien». Il a assuré que son mouvement ne chercherait pas à prendre le pouvoir. «Nous avons accepté l'idée que l'intérim doit avoir pour dirigeant une personne de la société civile. Nous aurons quelques représentants au gouvernement, mais pour ma part, je resterai à l'écart.»
A Mamba, quartier du centre situé derrière les deux ponts stratégiques, l'atmosphère est tendue. Aucun sourire sur les visages des centaines de personnes sorties pour se ravitailler. Les rues grouillent de monde. C'est le premier jour sans combat depuis l'éclatement de la crise il y a un mois. Les gens se déplacent avec des sacs de bois, des matelas ou des sceaux d'eau sur la tête. Ils ne semblent avoir qu'un objectif: faire vite. Et pour cause. Quelques tirs d'éléments incontrôlés ont été entendus. Des disputes éclatent devant des barrages de l'armée. La situation pourrait très vite dégénérer.
Pour les civils, la force de paix n'est pas encore concrète. Des petits transistors collés à l'oreille, ils attendent la confirmation du déploiement, synonyme de nourriture, d'eau, d'électricité et de paix. Ils savent que l'une des premières missions de la force d'interposition ouest africaine (la Cedeao) sera d'ouvrir un couloir humanitaire libérant l'accès aux stocks situés au niveau du port, une zone tenue par les rebelles. Certains portent des T-shirts où l'on peut lire: «Dieu soit loué pour l'Ecomil», du nom donné à la Force de la communauté économique des pays d'Afrique de l'Ouest. D'autres tiennent des pancartes avec d'un côté le drapeau libérien, de l'autre ce slogan plein d'espoir: «Enfin la paix». Mais ce qu'ils n'ont pas encore réalisé, c'est qu'il faudra des semaines voire des mois pour que la vie dans cette ville de un million d'habitants revienne vraiment à la normale.