«[…] Le président français, Jacques Chirac, [a] affirmé que l’armée française à Bangui ne pouvait «en aucun cas être partie prenante» au conflit qui depuis neuf mois met aux prises le président, [Ange-Félix] Patassé, et des opposants civils et militaires. Mais la nouvelle intervention musclée des soldats français à Bangui dans la nuit de samedi à dimanche – qualifiée de «légitime défense» par Paris «après l’assassinat d’un officier et d’un sous-officier français – place résolument la France dans une position d’acteur, et non plus de médiateur, dans la crise qui secoue le régime contesté du président […] Patassé. Le bilan est particulièrement lourd: une dizaine de soldats centrafricains tués de source militaire française, trois fois plus selon les soldats mutins.
L’opposition centrafricaine a vivement critiqué hier cette «ingérence de la France dans les affaires intérieures centrafricaines». Et hier à Paris, une dizaine de personnes ont occupé pendant quelques heures l’ambassade de Centrafrique pour demander «le retrait immédiat des troupes d’occupation coloniales françaises».
Depuis quelque temps, la France cherche pourtant à se désengager de son rôle de «gendarme de l’Afrique» qu’elle a assumé durant plusieurs décennies. Depuis les indépendances, les forces armées françaises sont en effet intervenues à une vingtaine de reprises en Afrique francophone pour évacuer leurs compatriotes, protéger un pouvoir en place ou au contraire renverser un régime. Mais en novembre dernier, […] le chef de l’Etat français avait réaffirmé la volonté de la France de ne plus intervenir seule dans les pays de son «pré carré». «La période des interventions unilatérales en Afrique est close. Ce type d’intervention n’est plus accepté par les Etats africains.» […]
Souvent accusée d’être intervenue militairement pour maintenir contre vents et marées des dictateurs au pouvoir, la France justifie aujourd’hui son intervention à Bangui par un souci […] de «sauvegarder le processus démocratique et la stabilité politique» en Centrafrique.
L’ambiguïté de cette intervention, qui de facto donne un nouveau répit au régime très controversé du président […], ne fait que mieux ressortir la complexité des relations existant de longue date entre la République centrafricaine et la France, qui y dispose de sa base militaire la plus importante sur le continent africain après celle de Djibouti. Ce pays d’Afrique centrale est utilisé comme base arrière pour les opérations françaises en Afrique.
L’accord de défense franco-centrafricain, qui date du début des années 60, porte surtout sur une assistance technique militaire, mais exclut les opérations de maintien de l’ordre. Cela n’a pas empêché les troupes françaises d’intervenir à plusieurs reprises directement dans la vie politique centrafricaine, profitant du flou qui entoure généralement les accords de défense liant la France à ses anciennes colonies.
Hier, deux compagnies appartenant au troisième régiment de parachutistes de l’infanterie de marine ont quitté Carcassonne dans le sud de la France pour gagner N’Djamena afin de remplacer les troupes appartenant au dispositif «Epervier» au Tchad qui avaient été envoyées dimanche en renfort à Bangui. La rapidité de ce «remplacement» s’explique par le fait que le Tchad est lui aussi engagé dans un processus électoral placé sous la haute surveillance de la France… »
« Les troupes françaises profitent du flou qui entoure généralement les accords de défense liant la France à ses anciennes colonies »
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