Le gouvernement n’est pas lié par le vote
François Hollande a-t-il payé politiquement, mardi, sa relative inaction lors des derniers affrontements à Gaza? Le vote des députés français en faveur de la reconnaissance d’un Etat palestinien, à l’initiative de la majorité socialiste, ne pouvait en tout cas pas être plus clair: 339 élus contre 151 se sont prononcés pour ce texte, non contraignant mais à forte portée symbolique. Une décision aussitôt saluée par l’Autorité palestinienne, que ce soutien politique conforte dans sa volonté affichée de poser la même question au Conseil de sécurité de l’ONU, démarche destinée également à accroître la pression internationale sur Israël.
Sur le plan diplomatique, ce vote parlementaire est avant tout un coup de semonce. Il rappelle à l’hôte de l’Elysée que sa base électorale est, sur ce sujet aussi, bien éloignée de ses positions. Rien n’oblige en revanche le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, à en tenir compte. Ce dernier devrait toutefois saisir la balle au bond et relancer dans les prochains jours l’idée d’une conférence internationale sur le Proche-Orient à Paris. Idem pour la haute représentante européenne pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini. Dans la foulée de la Suède (lire l’encadré), les législateurs britanniques et espagnols ont aussi appelé à reconnaître un Etat palestinien indépendant, comme la cheffe de la diplomatie communautaire l’avait fait elle-même à Gaza, le 8 novembre. Fin novembre 2012, les 27 Etats membres de l’UE avaient voté en ordre dispersé sur l’octroi à la Palestine d’un statut d’observateur aux Nations unies. Tout comme la Suisse, 13 pays de l’Union avaient voté pour, dont la France, l’Espagne, l’Italie et la Belgique. Treize s’étaient abstenus, parmi lesquels la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Seule la République tchèque avait voté contre.
Sur le plan politique français, ce vote démontre une fois de plus le fossé existant entre la majorité socialiste à l’Assemblée nationale et l’exécutif. Interrogé par les députés, Laurent Fabius avait estimé la semaine dernière qu’«un Etat palestinien n’est pas un passe-droit. C’est un droit», et que la France «devra prendre ses responsabilités si les négociations échouent», préconisant «la fixation d’un calendrier pour éviter un énième processus sans perspectives réelles».
Derrière cette façade, la question palestinienne est néanmoins un casse-tête pour le gouvernement français impliqué, au Mali et en Irak, dans des opérations militaires contre les islamistes radicaux. Le fait que le Hamas soit, depuis septembre 2003, sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne, a d’ailleurs de nouveau été brandi par l’opposition de droite pour s’opposer au vote de la résolution. Le député UMP Pierre Lellouche, figure de proue des opposants, a dénoncé le vote comme la preuve de «l’amateurisme politique» de la majorité, renouvelant au passage ses critiques sur un chef de l’Etat «incapable» de juguler ses élus: «Ce vote est une provocation, une manipulation interne à l’usage de la gauche», déplorait hier le député UMP savoyard Dominique Dord, abstentionniste. La résolution sur la reconnaissance de l’Etat palestinien était initialement une démarche du groupe communiste, que le PS a devancé in extremis. «La défense de la Palestine reste un fort marqueur de la gauche, à un moment où le gouvernement de Manuel Valls défend une politique économique de plus en plus centriste, voire libérale. Il est dès lors logique que les députés PS envoient à peu de frais ce message à leurs électeurs. Ils pourront au moins cocher cette case de leur bilan», juge un ex-conseiller à l’Elysée. La France avait été, en 1974, le premier Etat occidental à rencontrer le chef de l’OLP, Yasser Arafat, et François Mitterrand avait défendu en 1982 le principe d’un Etat palestinien devant la Knesset.
Les observateurs parlementaires voient enfin dans ce vote un avertissement de plus adressé au premier ministre par sa turbulente majorité PS. En septembre 2013, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, Manuel Valls s’était dit «absolument engagé pour la communauté juive et Israël», après avoir longtemps gardé ses distances avec l’Etat hébreu.
«Ce vote est une provocation, une manipulation interne à l’usage de la gauche»