José-Manuel Barroso et Herman Van Rompuy sont prévenus: la France comme l’Allemagne attendent des deux hommes clefs de l’Union européenne des mesures rapides pour prévenir des attaques dévastatrices contre la monnaie unique et ses seize pays membres.

Dans une lettre commune adressée ce jeudi au président portugais de la Commission européenne et au président belge du Conseil européen (le collège des chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays membres de l’UE), Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se montrent clairement impatients, alors que la tempête de la dette grecque prend chaque jour davantage l’allure d’un ouragan financier européen.

«Nous devons aller plus loin et tirer les leçons en prenant toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’une crise de cette nature se reproduise» écrivent le président français et la Chancelière allemande. En fixant un impératif: «Renforcer la gouvernance économique de la zone euro» dont les seize chefs d’Etat et de gouvernement se réunissent vendredi soir à Bruxelles pour approuver le plan de sauvetage financier de la Grèce mis au point dimanche dernier, et pour accélérer l’approbation de celui-ci par les parlements nationaux.

En dressant ainsi leur propre ordre du jour du sommet – lequel doit selon eux s’attaquer au renforcement de la surveillance budgétaire et à la «création d’un cadre robuste pour la résolution des crises» – les leaders français et allemands augmentent la pression sur les dirigeants des instances communautaires, que tous les observateurs estiment défaillants depuis le début de la crise grecque.

«La Commission européenne a fait des propositions sur le renforcement des pouvoirs d’enquête d’Eurostat. Il est urgent qu’elles soient mises en œuvre» assènent M. Sarkozy et Mme Merkel, en exigeant un avancement rapide de plusieurs projets de directive sur les transactions financières et les agences de notation. Ceci, alors que M. Barroso et son commissaire chargé du marché intérieur Michel Barnier ont redoublé ces jours-ci de critique sur les spéculateurs et les dites agences. Attendu aux Etats-Unis vendredi, M. Barnier a même spécifiquement mis en cause le «manque de compétition et de diversité» dans ce secteur clef de l’analyse économique, accusé d’alimenter la spéculation sur la dette grecque.

Au-delà des recommandations toutefois, la lettre Sarkozy-Merkel bute sur la souveraineté sacro-sainte des Etats membres de la zone euro. Les deux dirigeants ne reprennent ainsi pas explicitement une proposition qui prend de la vigueur dans les cercles politiques européens ces derniers temps et qui voudrait que les pays soumettent leur projet de budget annuel à leurs partenaires européens. Ils ne mentionnent pas non plus l’Espagne et le Portugal, les deux pays le plus souvent cités comme les prochaines cibles des spéculateurs.

La question spécifique de la Banque centrale européenne et de son interventionnisme est aussi absente de cette missive en forme de déclaration. Alors que le gouverneur de la BCE Jean-Claude Trichet, qui présidait jeudi à Lisbonne le conseil de la banque, continue, lui, de faire barrage aux attaques: «Le Portugal n’est pas la Grèce» a affirmé M. Trichet, qui a rejeté toute possibilité pour la zone Euro de se doter d’une procédure permettant la mise en «faillite» d’un Etat doté de la monnaie unique: «Pour moi, un défaut de paiement d’un Etat membre est hors de question» a-t-il répondu, interrogé sur l’impact de la crise grecque.

La lettre commune de M. Sarkozy et Mme Merkel ne parvient pas non plus à masquer leurs divergences sur le traitement à adopter à l’égard des Etats membres défaillants. Depuis le début de la crise, l’Allemagne plaide pour un «droit d’ingérence» financier qui reviendrait presque à mettre sous tutelle les finances publiques des pays surendettés. La France, elle, juge plus important de faire front contre les spéculateurs de tous bords.