Publicité

La France met ses habits de gala pour accueillir la reine Elisabeth II

Cent ans après la naissance de «l'Entente cordiale», la France reçoit pour trois jours la reine d'Angleterre. Si les Français se méfient toujours autant des Anglais, ils aiment la mère du prince Charles

Des stations de métro fermées, quelques embouteillages, 2500 policiers sur les dents, 150 gardes républicains sur leur cheval. Et une reine. «La» reine Elisabeth II, vieille connaissance des Français, qui aiment tant lire dans la presse people les déboires familiaux de la famille royale d'Angleterre.

Comme lors de ses trois précédentes visites d'Etat (une par décennie) la reine a eu droit lundi – malgré le ciel gris – à la remontée des Champs-Elysées dans la voiture décapotable de la présidence de la République. Dans une autre voiture, avait pris place le prince Philippe aux côtés de Bernadette Chirac, habillée de grège, comme la reine; et chapeautée, comme il se doit.

Elisabeth II et son époux étaient arrivés à Paris dans un Eurostar spécial intitulé «Entente cordiale», grâce au tunnel sous la Manche dont on parlait déjà, sans trop y croire, en 1904. Le président de la République et son épouse les attendaient place de la Concorde. Là même, soulignaient quelques esprits chagrins, où fut décapitée une bonne partie de la famille royale française pendant la Révolution française… Le God save the queen et la Marseillaise étaient de la partie, et Bernadette Chirac a esquissé une révérence.

En haut de «la plus belle avenue du monde», pavoisée aux couleurs des deux pays, la reine a déposé une gerbe à l'Arc de triomphe, sur la tombe du soldat inconnu, qui, sait-on jamais, était peut-être de nationalité britannique. Un dîner de gala à l'Elysée devait conclure cette première journée. La reine devait y porter un toast en français, of course, puisqu'elle maîtrise parfaitement la langue de Molière et de Jacques Chirac.

Des obligations protocolaires pour célébrer les cent ans de l'Entente cordiale, certes. Mais la reine Elisabeth et le prince Philippe, qui avaient effectué en France, en 1948, leur premier voyage de jeunes mariés, vont aussi se consacrer aux loisirs. Mardi matin, petite incursion au cœur de Paris: ils se rendront, avec le maire de la capitale Bertrand Delanoë, sur le marché de la rue Montorgueil. Une rue immortalisée par la proximité des anciennes Halles, et par un très beau tableau de Claude Monet. Tomates, fleurs et fruits de mer arboreront leur plus belle mine pour saluer Elisabeth II, qui devrait recevoir un cadeau de la pâtisserie Stohrer, fondée en 1730: un emblème pascal en chocolat (cloche ou œuf, les paris sont ouverts) surmonté d'une couronne en métal doré.

Des nourritures terrestres aux valeurs spirituelles, elle se rendra aussi, à deux pas du marché, à l'église Saint-Eustache, où la recevra le cardinal-archevêque de Paris, Mgr Jean-Marie Lustiger. Le protocole reprendra ses droits en fin de journée avec une allocution dans un salon du Sénat, devant les parlementaires. La journée de mercredi sera consacrée à des visites plus industrielles dans le Midi de la France avec le viaduc de Millau et les usines Airbus.

L'Entente cordiale passionne-t-elle les Français? Oui, si l'on considère l'initiative du quotidien Libération, qui a publié lundi un numéro spécial franco-britannique avec The Guardian. Mais un sondage publié par les deux journaux en dit long sur une méfiance séculaire: seulement 55% des Français et 51% des Anglais font confiance au peuple qui vit de l'autre côté du Channel. Côté français, fût-ce inconsciemment, on n'a pas toujours digéré la condamnation de Jeanne d'Arc ni la destruction de la flotte à Mers-el-Kébir, en 1940. La guerre en Irak n'a pas été de nature à réconcilier les deux pays. Mais la reine, c'est la reine. Et là où des bains de foule sont prévus, il est certain que les Parisiens se bousculeront. Pour elle, pas pour l'Angleterre, dont l'équipe de rugby vient d'être battue par le coq gaulois…