«Dimanche soir, ce ne sera pas l’état d’urgence, mais l’état de choc»: dans l’entourage de François Hollande, l’issue du premier tour des régionales ne fait guère de doute et certains en sourient. Si le président français – en visite vendredi sur le porte-avions Charles de Gaulle au large de la Syrie – bénéficie d’une forte remontée de sa popularité, la gauche au pouvoir semble, elle, promise à une cinglante défaite.

En 2010, le PS et ses alliés avaient tout raflé. Cinq ans après, à l’issue d’une campagne perturbée par les attentats, seules trois régions sur treize (Midi-Pyrénées, Aquitaine et Bretagne) semblent pouvoir demeurer dans son giron, tandis que le Front National est au coude à coude avec la droite traditionnelle dans trois autres (Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Alsace-Lorraine). L’état de choc paraît donc programmé, même si le bouleversement de la donne politique à cause de la guerre contre le terrorisme peut réserver des surprises.

La France risque en effet de connaître, à partir de dimanche à 20 heures, un séisme politique. Si le FN arrive largement en tête, le PS et les «Républicains», le parti de Nicolas Sarkozy, se trouveront face à leurs responsabilités, en optant ou non pour un «front républicain» au second tour, soit en fusionnant leurs listes, soit en se retirant, ce qui les priverait d’élus régionaux jusqu’en 2021.

Le défi est surtout rude pour l’ancien président, qui après sa nette victoire lors des départementales de mars 2015, verra sa stature de leader de l’opposition contestée si l’extrême-droite gagne du terrain dans l’électorat conservateur et profite de l’abstentionnisme. Hostile à une alliance avec le PS et résolu à exclure les candidats «Républicains» tentés de composer avec le FN, Nicolas Sarkozy a tout à perdre si la première devient indispensable et si les seconds devaient le désavouer.

A un an et demi de la fin de son quinquennat, le «Chef de guerre» François Hollande peut en revanche se permettre d’avoir plus de recul. Ce scrutin local ne peut pas bloquer l’action du gouvernement, et un désaveu de la gauche pourrait au contraire l’inciter à recentrer son action autour du vivre-ensemble, des réformes et de la défense de la République. Un thème toutefois déjà brandi par un autre candidat resté jusque-là fort discret: l’ancien premier ministre conservateur Alain Juppé.