Analyse

Des conseillers de François Hollande l’ont confié à plusieurs médias français: le 6 mai, le président de la République ne fêtera pas le premier anniversaire de son accession au pouvoir. Une conférence de presse est prévue le 16 mai mais, d’ici là, le chef de l’Etat fera le dos rond. On le comprend: la première année du quinquennat s’achève sur un bilan terrible, sur le fond et sur le style. Près de trois quarts des Français en sont mécontents, selon les derniers chiffres de BVA. Fin mars, le chômage a battu un record avec 3,22 millions de personnes sans travail; le pouvoir d’achat commence à baisser. La France est au bord de la récession avec une pression fiscale extrêmement élevée et, pour l’instant, les résultats des réformes engagées ne se font pas sentir.

Bien qu’il ne s’affiche plus en «président normal», François Hollande continue d’être perçu comme manquant d’autorité, incapable de tracer des perspectives d’avenir claires et porteuses d’espoir. «Monsieur Faible», titrait récemment un hebdomadaire, en un résumé cruel de nombreuses analyses.

Dans ces conditions, la contestation monte de tous bords. François Hollande mécontente ceux qui souhaitent une politique clairement réformiste à la Gerhard Schröder, l’ex-chancelier allemand, pour sortir la France de la crise. Mais il fâche surtout la gauche de la gauche, qui ne supporte pas sa ligne sociale-démocrate. Son mécontentement s’est à nouveau exprimé mercredi, dans les manifestations syndicales du 1er Mai.

Si le syndicat CFDT soutient la politique du gouvernement, Thierry Lepaon, le nouveau secrétaire général de la CGT, demande un «changement de cap»: «La rupture avec les politiques d’austérité et de rigueur budgétaire doit être à l’ordre du jour en France et en Europe», écrit-il dans une lettre ouverte au président de la République, dont la CGT soutenait pourtant la candidature. «Le décalage est immense entre les attentes des salariés et les réponses politiques apportées», ajoute Thierry Lepaon.

Le syndicaliste critique en particulier l’accord sur le marché du travail, l’une des réformes phares portées par François Hollande. Le ressentiment vient aussi d’une promesse non tenue, celle de sauver le site industriel de Florange, dont les hauts fourneaux viennent d’être éteints. «Une trahison» pour les syndicalistes.

Jean-Luc Mélenchon est encore plus critique. François Hollande «est le plus grand diviseur commun que nous ayons eu à gauche», accuse celui qui rêve d’un grand «coup de balai» sur la ligne politique menée par l’exécutif. A l’instigation du leader du Front de gauche, rejoint par des personnalités écologistes, une marche sera organisée dimanche 5 mai. Cette «démonstration de force» sociale et politique est également dirigée contre «l’austérité».

Sur ce sujet, des divergences traversent également le gouvernement. Ces dernières semaines, plusieurs ministres peu à l’aise avec le «sérieux budgétaire» – synonyme de gestion rigoureuse des comptes publics – ont émis des critiques allant dans le même sens, affaiblissant l’exécutif. L’effet est le même lorsque des membres du Parti socialiste critiquent la discipline budgétaire exigée par l’Europe et s’en prennent à l’Allemagne d’Angela Merkel. Pourtant, pour ne pas risquer de voir la France s’enfoncer dans la récession, François Hollande a déjà abandonné son objectif de retour à 3% du déficit en 2013, une promesse longtemps répétée. Il a aussi cessé de vouloir taxer les riches pour faire entrer l’argent dans les caisses.

Ce sombre tableau, qui mêle crise économique, sociale et morale depuis l’affaire Cahuzac, fait craindre une progression du Front national (FN). Mercredi, dans son discours du 1er Mai, Marine Le Pen s’est vantée d’«un record historique d’adhésions au Front national cette année». La patronne du FN a dénoncé les «ténèbres» dans lesquelles est plongée la France: «Rien n’a changé, rien ne pouvait changer, c’est toujours le même tunnel.» Un sondage mesurant les intentions de vote indiquait lundi une modification du rapport des forces politiques: au premier tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen occuperaient désormais les deux premières positions. L’électorat de gauche est démobilisé et seules 59% des personnes ayant voté pour François Hollande il y a un an glisseraient le même bulletin dans l’urne.

Comment le président de la République compte-t-il reprendre la main? Pour l’instant, c’est le flou. La stratégie globale reste peu lisible, alors que le slogan du «redressement dans la justice» est trop éculé pour être encore utilisé. François Hollande affirme ne pas vouloir changer de cap, ni remanier le gouvernement, ni changer de premier ministre. «Je me suis fixé une ligne de conduite, dit-il. Ne jamais se laisser impressionner, suivre son chemin.»

Après la séquence du mariage pour tous qui a requinqué la droite, et celle de la moralisation de la vie publique censée tourner la page de l’affaire Cahuzac, le chef de l’Etat se recentre sur les thèmes économiques et sociaux, avec comme priorité l’emploi.

Ce sombre tableau,

qui mêle crise économique, sociale

et morale, fait craindre une progression du FN