«Se faire traîner dans la boue par le Front national est un honneur», a lâché le ministre mercredi, laconique, à la sortie du Conseil des ministres, ravivant la fureur de sa vice-présidente Marine Le Pen.
«Il n’a pas besoin de nous pour se traîner dans la boue tout seul. C’est maintenant Nicolas Sarkozy qui traîne la France dans la boue, en refusant d’exiger sa démission», a-t-elle déclaré à l’AFP, appelant la justice à ouvrir une enquête.
Profitant d’un débat télévisé sur les délinquants sexuels, lundi soir, Mme Le Pen avait jeté le pavé dans la mare, en citant des extraits de l’ouvrage dans un silence gêné. La séquence a déjà été visionnée plus de 9’000 fois sur internet, où beaucoup regrettent que l’attaque vienne du FN.
«Cela me fait mal d’être d’accord avec une Le Pen», glisse l’un des internautes.
Un dégat collatéral de l’affaire Polanski
L’opération du FN a été mûrement préparée depuis le soutien affiché par le ministre au cinéaste Roman Polanski, dont il a jugé «absolument épouvantable» l’arrestation fin septembre pour une affaire d’abus sexuels sur mineure remontant à plus de trente ans. «Quand on a vu cette position scandaleuse, on a cherché ce qu’il avait écrit dans le passé. C’est comme ça qu’on est tombé sur son livre», reconnaît un membre du bureau politique du FN, dont lapétition contre Mitterrand aurait recueilli quelque 3’000 signatures.
Le PS évoque une démission souhaitable
L’indignation a même gagné les rangs du PS, le député Patrick Bloche qualifiant ces écrits d’«insupportables», tandis que Benoît Hamon s’est dit «choqué» par le comportement d’un «ministre consommateur». Dans la soirée, le porte-parole du PS a estimé qu’il revenait au président Nicolas Sarkozy et au Premier ministre François Fillon d’apprécier si le ministre devait démissionner. La première secrétaire Martine Aubry assure ne pas «imaginer» que M. Mitterrand se soit livré à une «apologie du tourisme sexuel», tout en précisant n’avoir «pas lu le livre».
«C’est bien dommage de pouvoir imaginer que des élus de gauche aillent rejoindre le Front national», a réagi M. Mitterrand, à l’issue d’une audition en commission à l’Assemblée nationale.
Un argument repris par le patron de l’UMP Xavier Bertrand, qui s’étonne de voir le PS se placer «sur le terrain» du FN. «Se servir de la vie privée des gens pour en faire des attaques politiques ou politiciennes, cela me rappelle les pires heures de l’histoire», a-t-il lancé. «On fait surtout la guerre au nom Mitterrand et ce qu’il incarne dans l’ouverture à gauche. C’est bête et stupide», estime aussi un collaborateur de François Fillon.
Malaise à droite aussi
L’affaire alimente toutefois un certain malaise à droite, où certains s’inquiètent d’une résurgence du FN, à l’image de Christine Boutin, présidente d’un petit parti associé à l’UMP. «La nomination de Mitterrand a ébranlé la droite classique, mais ses postures et ses positions vont faire des ravages terribles dans l’électorat», a averti l’ancienne ministre.
Pour l’ex-porte-parole de l’UMP, Chantal Brunel, «tout le monde connaissait ce livre quand il a été nommé au gouvernement, les responsables politiques qui l’ont nommé le savaient». La députée résume un sentiment général dans les rangs de la majorité, en parlant d’un livre «terriblement glauque» mais constituant «un non-événement».
Une polémique «indigne» pour Henri Guaino
Henri Guaino, conseiller spécial du président de la République, a qualifié jeudi d’«indigne» la polémique autour de Frédéric Mitterrand pour un livre où le ministre de la Culture relate ses expériences de tourisme sexuel, soulignant qu’«il n’y pas de faits» contre lui. «Tout cela est plein d’excès, tout cela est assez indigne au fond», a déclaré M. Guaino sur France 2.
Interrogé pour savoir si M. Mitterrand pouvait rester au gouvernement, alors que le FN réclame son départ, il a répondu : «je ne vois pas où est le problème, je ne vois pas pourquoi quand on soulève une polémique aussi pathétique que celle-ci avec autant de retard, on devrait en tirer des conséquences aussi radicales». «Il n’y a pas de faits, il a écrit un livre», a-t-il souligné.
Le soutien distancié du ministre de l’Intérieur
Brice Hortefeux a expliqué sur RTL qu’il n’avait pas lu le livre et n’en connaissait jusqu’ici pas l’existence. «J’observe simplement aujourd’hui que comme ministre de la culture, il est unanimement salué, reconnu, respecté de par sa compétence», a-t-il dit.
Il ajouté ne pas savoir si Frédéric Mitterrand a effectivement pratiqué le tourisme sexuel qu’il décrit dans son ouvrage et annoncé qu’il allait se renseigner.