Le fuyard, le fils «balance», le «mec» et la chanteuse: nouvelle bombe pour le RPR
France. Piégé par son fils Antoine que soutient Marie Laforêt, l'ancien conseiller général RPR Didier Schuller, en fuite depuis 1995, fait état de ses liens avec Charles Pasqua et Jacques Chirac
Le RPR, Charles Pasqua qui en fut longtemps l'homme fort, et le président de la République, Jacques Chirac qui en est resté le véritable patron, n'avaient pas besoin de cela, à quelques semaines des présidentielles. Le retour sur la scène politico-médiatique de Didier Schuller, ancien conseiller général des Hauts-de-Seine (fief de Charles Pasqua), en fuite depuis 1995, est une nouvelle petite bombe qui donne de l'environnement de ces hommes une vision digne d'un film sur les grands mafieux. Rien n'y manque: corruption, villa de rêve, chantages et trahisons. Et pour faire bonne mesure, la réapparition d'une star de la chanson des années 70, aujourd'hui citoyenne suisse, Marie Laforêt. Le déballage commence lundi dans Le Parisien, qui s'était illustré une semaine plus tôt en publiant l'interview du juge Eric Halphen. Il annonçait son départ de la magistrature, dénonçant une justice à deux vitesses qui l'avait empêché de mener les investigations qui le rapprochaient de plus en plus de Jacques Chirac et de celui qui fut longtemps son bras droit, Charles Pasqua. Dépouillé peu à peu, par sa hiérarchie, de toutes ces affaires sensibles, Eric Halphen racontait comment, en enquêtant sur l'affaire des logements sociaux de Paris (les HLM, ndlr.) et celle des Hauts-de-Seine dont le conseiller général Didier Schuller était directeur général, il s'était senti menacé, écouté, filé. Une semaine plus tard, rebelote. Cette fois c'est le propre fils du sulfureux Didier Schuller, Antoine, qui «balance» tout ce qu'il sait de son père, de ses relations, et de sa cache: une luxueuse résidence, dans «Sea horse ranch» à Saint- Domingue. Dans ce «resort» pour très très riches, Didier Schuller, recherché par Interpol, vit, selon son fils, sous l'identité belge de Jean Wiser, une existence confortable, entre fêtes et parties de golf avec son «ami» le consul honoraire des Etats-Unis, William Kirkman qui régente le «Sea horse ranch». Le soir même de la parution du Parisien, Canal+ diffuse un document stupéfiant: l'enregistrement, devant caméra, d'une conversation téléphonique d'Antoine avec son père. Antoine le piège, tentant de le faire parler. Didier Schuller commence à lui expliquer à nouveau les raisons de sa fuite, puis, comprenant sans doute qu'il est enregistré, raccroche brutalement. Les spectateurs français ont cependant le temps de l'entendre dire: «Je t'ai déjà expliqué que quand je suis parti la situation était quand même extrêmement tendue, et qu'il y avait des gens qui auraient peut-être eu peur que je me mette à raconter des choses et que ces gens-là, à l'époque, avaient quand même des positions extrêmement fortes. Il y avait notamment un Monsieur qui était ministre de l'Intérieur et qui est un Monsieur d'origine corse, tu vois ce que je veux dire…» On ne pouvait plus expressément désigner Charles Pasqua, dont Didier Schuller était l'un des plus proches «protégés». Et il ajoute: «Je te rappelle Antoine, au cas où tu l'aurais peut-être oublié, que je suis quand même quelqu'un de relativement proche du mec qui dirige un petit pays qui s'appelle la France.» Le «mec» en question, Jacques Chirac, aurait sans doute préféré que ce «relativement proche» ne se rappelle pas ainsi publiquement à son bon souvenir, à quelques encablures de sa déclaration de candidature. Antoine Schuller a expliqué sa décision de parler par son écœurement devant la démission du juge Halphen dont il partagerait la conception de la justice. Il affirme aussi que, après cette décision, son père «était fou de joie» et aurait déclaré: «On a eu sa peau.» Antoine Schuller, dont il apparaît clairement qu'il règle des comptes avec son père, a été aidé dans sa démarche par deux personnes: Christian Cotten, énigmatique psychothérapeute, grand pourfendeur entre autres, de la franc-maçonnerie, des services secrets, mais aussi de la Mission parlementaire de lutte contre les sectes, et l'ancienne chanteuse et comédienne, Marie Laforêt. Celle-ci a reconnu hier, encore dans Le Parisien, vouloir protéger Antoine qui fut le meilleur ami de son fils. Elle déclare qu'Antoine Schuller est, comme elle, «écœuré, scandalisé de voir que la justice n'avance pas». «La priorité c'est d'arrêter Didier Schuller», a-t-elle affirmé. Une priorité qui devra attendre: dès la parution de l'article du Parisien, Didier Schuller, sa nouvelle femme et leurs deux filles ont quitté précipitamment Saint-Domingue et leur cache de luxe. Visiblement le fuyard avait encore conservé des amis en France qui l'ont prévenu de la bombe qu'il avait, involontairement, lancée.