Au Gabon, agitation et incertitudes
La Toile francophone
La victoire déclarée du fils d’Omar Bongo provoque des troubles qui pourraient s’amplifier ces prochains jours, voire ces prochaines semaines. Et les chantiers qui attendent le nouveau gouvernement sont considérables.
La victoire déclarée du fils Bongo provoque des troubles qui pourraient s’amplifier au Gabon. Et les chantiers du nouveau gouvernement sont considérables.
«Le risque de dérapage est réel, les ingrédients d’un cocktail très inflammable réunis. […] C’est l’après-élection […] qui fera pencher la balance. La moindre étincelle peut mettre le feu à l’ex-émirat d’Afrique centrale.» Le journal Jeune Afrique analysait, avant la proclamation des résultats, l’élection au Gabon. Jeudi, Ali Bongo Ondimba, fils d’Omar Bongo, a été déclaré vainqueur par la commission électorale nationale, avec 41,7% des voix. Immédiatement, les incidents ont éclaté, les opposants faisant parfois l’objet de «dispersion musclée», relatait InfoPlusGabon . Entre autres, l’agence AP a relayé les propos des opposants, qui parlent de «farce frauduleuse».
La France s’est vite trouvée à nouveau dans le viseur des opposants, comme en juin, après la mort du patriarche. Paris a mentionné l’option de protéger ses ressortissants. Consultés par Reuters, les milieux d’affaires balaient pourtant l’hypothèse de l’embrasement: «Analystes et marchés financiers n’excluent pas que les contestations électorales entraînent quelques troubles, mais ils minimisent les risques de bouleversements majeurs», indiquait l’agence économique relayée par Yahoo! Actualités. Les jours à venir diront si le pays deviendra la poudrière prédite par les plus critiques. Le gagnant s’est empressé de donner des signes d’ouverture, promettant à l’agence Gabonews «d’être le président de tous les Gabonais», s’engageant à ce que «les conditions de vie des Gabonais changent sans cesse en mieux».
Le pourra-t-il? Dans une analyse, le portail Afrik.com semble en douter: «De toute évidence, Ali Bongo Ondimba ne fait pas l’unanimité au Gabon. […] L’homme n’est pas connu pour être un orateur convaincant, son image de viveur ne plaide pas pour lui; et surtout, son incapacité à faire taire les dissensions nées au sein de son propre parti et à asseoir son autorité sur les barons montre qu’il n’est pas fédérateur.»
Le quotidien en ligne Gaboneco , axé sur les affaires, se montre plus nuancé: «Tout au long de cette campagne, le nouveau président qui a promis aux Gabonais la paix, le développement et le partage des richesses de la nation doit maintenant tenir ses promesses. De même, lui qui a déclaré que sa «conviction est que la responsabilité d’un homme d’Etat est de rassembler toutes les forces vives de la nation au-delà de l’adversité», a l’occasion historique de démontrer tout au long de ce mandat qu’il est un homme d’Etat.»
Hormis la nécessité de tourner la page sur des années de clientélisme, c’est bien la question du partage des richesses qui occupera en premier lieu les débats. Autrement dit, l’amélioration des conditions de vie d’une grande partie de la population qui ne voit pas passer les dollars du quatrième producteur subsaharien de pétrole et à qui les décennies de l’ère Omar Bongo n’ont pas profité. Portraiturée par Jeune Afrique , la belle Gloria Mika Ndzila, mannequin gréco-gabonaise qui a participé à un clip du rappeur Lord Ekomy appelant à voter, illustre: «Quand on parle de l’héritage de paix du Gabon, d’accord pour ce qui est de la stabilité politique. Mais le citoyen gabonais est-il en paix quand il pleut et que sa maison est inondée? Quand il ne sait pas comment il va manger? Quand, malade, il doit acheter compresses et seringues avant d’aller à l’hôpital?» En outre, le chef de l’Etat prendra ses fonctions dans un contexte social tendu. Depuis le début de l’année, bon nombre de services de la fonction publique, en particulier dans l’instruction publique et la santé, ont protesté depuis le début de l’année, voire se sont mis en grève, réclamant un aménagement de leurs conditions de travail et une hausse des rémunérations. Dans l’éducation, par exemple, les raisons du mécontentement exprimé n’ont pas été traitées, et la rentrée pourrait être animée.
Ce printemps, relatait Gaboneco , le modérateur de la faîtière syndicale des enseignants dénonçait un «manque de volonté constaté auprès du gouvernement», touchant au règlement de «toutes les situations de recrutements, intégrations, avancements et reclassements». Conséquence, en juillet, les étudiants de l’Université Omar-Bongo de Libreville défilaient: «Nous ne voulons pas d’une université à deux vitesses», «Nous voulons les cours», pouvait-on entendre, lundi, de la bouche des étudiants gabonais, visiblement remontés», racontait Afrik.com , ajoutant: «Mais apparemment ces jeunes qui se disent trahis par les adultes, notamment «leurs enseignants qui brandissent un chapelet de revendications et les membres du gouvernement préoccupés uniquement par des questions politiques» n’ont pas été compris. «Si rien n’est fait nous passerons à la phase 2 et ce sera à ceux qui sont responsables du gel des cours d’assumer les conséquences», ont averti les étudiants.» Un avant-goût de ce qui attend le futur gouvernement.