Génération «Courrier international»
revue de presse
Pour son 20e anniversaire, le magazine s’est intéressé à ceux qui, comme lui, sont censés entrer dans l’âge adulte. Balade au cœur de cette galaxie multiforme
Courrier international, qui a pour vocation de fouiller la presse du monde entier pour en faire des compilations thématiques et bâtir des ponts entre les différentes cultures journalistiques et visions du monde de l’actualité, entre dans sa vingt et unième année avec son numéro 1044, tout fraîchement paru.
Créé en 1990, Courrier int’ a su rester fidèle à sa mission de départ: proposer le meilleur de la presse, le plus souvent traduit en français, «son équipe polyglotte [ayant] un faible pour les questions politiques, écologiques et culturelles. Sans oublier le sport, les insolites et les cartoons.» A l’occasion de cet anniversaire, le magazine, dit son rédacteur en chef Philippe Thureau-Dangin dans l’éditorial de ce numéro de fête – 108 pages – a brossé «le portrait de ces 18-25 ans qui prendront bientôt le monde en main». De ces «vingtenaires», comme on dit aujourd’hui, qui, «en Iran comme au Myanmar, en Haïti comme en Ukraine, […] bougent, réfléchissent, agissent, militent parfois, bref ne se contentent pas de survivre ou de consommer».
Car, dans ces pays où ceux qui ont vingt ans en 2010 comme le magazine, «le Net, omniprésent dans leur vie quotidienne, les aide à se rencontrer, à échanger». Alors que dans les pays dits développés, si les réseaux sociaux ont aussi la cote, les «jeunes renâclent à entrer dans l’âge adulte». Mais pour une bonne cause: ils ont la chance de pouvoir mieux garder «ouvert l’horizon des possibles» par rapport à ceux de pays plus défavorisés. C’est ce à quoi le journal veut aujourd’hui souscrire: «cette idée d’un avenir non clos, fait d’interrogations et de remises en cause, afin de déjouer tous les pronostics pessimistes».
Alors, actualité électorale oblige, ce gros dossier s’ouvre sur «quelques miettes de liberté qui procurent l’ivresse», avec la reprise d’une article du New York Times sur la jeunesse birmane qui «s’engouffre à corps perdu dans les minces espaces où le contrôle de la junte se fait moins pesant», concerts, expositions et autres matchs de football. Car «ils sont nés avec Internet», renchérit The Independent, et «les blogs sont leurs armes, avec une cybercommunauté «fort active» au Myanmar. De même que le hip-hop et le rap, dont les jeunes Birmans se servent aujourd’hui «pour faire passer leurs messages», explique The Irrawady, ce magazine d’opposition démocratique à la junte au pouvoir [qui] a été créé en 1993. Sa rédaction, basée à Chiang Mai, en Thaïlande, est composée d’anciens étudiants ayant fui la répression du régime.
La suite du dossier est classée par contributions géographiques (Europe, Amériques, Asie, Moyen-Orient, Afrique) et thématiques (économie, écologie, médias, technologie, société, psychologie et littérature). Le tout saupoudré des belles images du concours de photographie mis sur pied par l’Alliance française, dont le site internet propose une saisissante galerie d’images: «Les photos de mes vingt ans».
Pour le reste? Monts et merveilles qu’il serait fastidieux d’énumérer ici dans leur globalité. Mais on observera, un peu effrayé, dans le Guardian, la manière dont la future élite britannique «se défonce» sur les plages de Thaïlande; dans ABC, «ces jeunes Espagnols, bien trop nombreux, qui n’ont aucun goût pour l’effort»; ou, dans La Repubblica, ces bamboccioni, ces «gros poupons» qui vivent toujours chez leurs parents à 25 ans passés.
Voilà pour la génération pantouflarde, qui suscite sympathie et perplexité. Heureusement, cela ne s’arrête pas là. Ce numéro de Courrier love encore, dans ses pages un peu désordonnées, des articles sur le traumatisme des jeunes Bosniaques, les provocations d’un collectif artistique russe, «les mots et les maux» d’Haïti, les gangs de San Salvador, les virées nocturnes des fils à papa vietnamiens, les jeunes Saoudiens en révolte contre la police religieuse ou l’avenir bouché des Burkinabés de 20 ans.
Avec un thème aussi ambitieux, on le voit, le journal, péchant un peu à trop vouloir embrasser, a plutôt exploré, dans ce qu’il appelle un «Voyage autour de la planète Jeunes», une constellation de petites graines. Qui se picorent un peu comme dans un magazine lu chez le coiffeur.