Après sa rencontre avec Emmanuel Macron à Paris, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou poursuit sa tournée européenne de cinq jours à Budapest afin d’y rencontrer le premier ministre nationaliste et conservateur Viktor Orban. Une première puisque aucun chef de gouvernement israélien n’a visité la Hongrie depuis la chute du communisme en 1989.

A priori, le chef du gouvernement israélien ne devrait pas avoir grand-chose en commun avec son homologue hongrois mais le courant semble passer entre les deux hommes, qui se sont déjà entretenus au téléphone à plusieurs reprises. Parce qu’ils partagent les mêmes convictions anticommunistes et conservatrices mais également parce qu’ils ont la même aversion pour le milliardaire et philanthrope juif d’origine hongroise Georgy Schwartz, alias George Soros (88 ans).

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George Soros a fui à l’arrivée du stalinisme

Vingt-neuvième fortune mondiale selon le magazine Forbes, ce dernier a fui la Hongrie lorsque le stalinisme s’abattait sur l’Europe orientale. Après un passage par Londres, il est devenu citoyen américain et a gagné beaucoup d’argent à partir des années 1970 en spéculant sur les monnaies.

Ce faisant, George Soros n’a pas seulement accumulé les milliards pour le plaisir de les accumuler. Depuis plusieurs décennies, il consacre en effet une grande partie de sa fortune à promouvoir l’idée d’un monde plus juste et plus ouvert grâce au réseau de l’Open Society Foundations, laquelle intervient dans une trentaine de pays de par le monde, dont Israël et les territoires palestiniens.

Quel rapport avec la visite de Benyamin Netanyahou en Hongrie? Certes, le premier ministre israélien ne se rend pas uniquement à Budapest pour discuter de George Soros. En tant que ministre des Affaires étrangères de son pays, il cherche en effet à nouer des alliances et à renforcer les liens entre l’Etat hébreu et une série de membres de l’Union européenne telles la Hongrie et la Pologne. Entre autres, afin d’influer sur les décisions que Bruxelles pourrait prendre à propos de la reprise du processus de paix israélo-palestinien ou de la situation dans les territoires occupés.

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Le gouvernement Orban le voit comme «une menace pour le monde»

Cependant, Israël se flatte aussi d’être à la pointe du combat contre l’antisémitisme dans le monde. Il ne se prive d’ailleurs pas de condamner tel ou tel pays lorsque celui-ci porte atteinte aux droits de sa communauté juive. Or ces derniers jours, le gouvernement de Viktor Orban, qui considère George Soros comme «une menace pour le monde», a lancé contre lui une violente campagne aux relents antisémites. Celle-ci s’accompagne de mesures visant à museler les associations ainsi que l’université financée par le milliardaire en Hongrie.

Mais Jérusalem n’a rien trouvé à y redire. Ou plutôt si: l’ambassade d’Israël à Budapest a publié un communiqué outré dénonçant les allusions au judaïsme de George Soros, mais Benyamin Netanyahou lui a rapidement intimé l’ordre de le retirer au nom de la realpolitik et des bonnes relations avec le gouvernement nationaliste de Budapest.

Les responsables israéliens ont d’autant moins l’envie de défendre le milliardaire philanthrope que celui-ci passe au mieux pour un «gauchiste», au pire pour un juif «antisioniste». Durant l’été 2016, des hackers ont d’ailleurs piraté les ordinateurs de l’Open Society Foundations et publié sur un site russophone favorable à la politique de Vladimir Poutine des documents démontrant que George Soros veut agir contre la «politique néfaste» d’Israël envers sa minorité arabe.

Soutien à des ONG

Pour autant qu’ils soient authentiques, ces mêmes documents semblent démontrer que le milliardaire a, depuis 2001, financé à concurrence de 10 millions de dollars une série d’associations et d’ONG de défense des droits de l’homme ainsi que d’associations caritatives opérant en Israël et dans les territoires occupés.
Des associations que le gouvernement de l’Etat hébreu tente aujourd’hui de réduire au silence par le biais de mesures discriminatoires.

Parmi ces ONG: B’Tselem, Breaking the Silence, le New Israel Fund et Molad, que Benyamin Netanyahou et son entourage présentent régulièrement comme des «traîtres». Ou comme des «ennemis de la nation» qui participent à «une campagne mondiale de dénigrement contre notre pays».

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le député du Likoud Micky Zohar a choisi le jour du début de la visite de Benyamin Netanyahou à Budapest pour déposer au parlement israélien un «projet de loi George Soros» interdisant à des ONG d’accepter des fonds émanant de personnes ou d’organisations anti-israéliennes ou favorables au boycott de l’Etat hébreu.