A 77 ans, George Soros veut agiter Bruxelles en passant par Londres. Le financier américano-hongrois est l'un des principaux bailleurs de fonds du tout nouveau European Council on Foreign Relations (ECFR) dirigé par l'un des jeunes politologues européens en vue, le Britannique Mark Leonard, 32 ans.
Objectif de ce Conseil européen des relations internationales, dont il finance pour l'heure un tiers du budget: «Lutter, par ses propositions et ses actions, contre le déficit intellectuel» qui, selon George Soros, sape l'intégration européenne. Preuve de ses ambitions: ce nouvel institut se veut «paneuropéen». Six bureaux sont déjà opérationnels en plus du siège de Londres: Paris, Berlin, Sofia, Madrid, Varsovie et Rome. Il se focalisera notamment sur les questions de politique étrangère.
Bien que l'ECFR n'y ait pas encore ouvert de bureau, la capitale de l'Europe institutionnelle est évidemment dans le collimateur de George Soros et de ses chercheurs. Le financier y a donc fait une halte remarquée, mercredi et jeudi, multipliant les apparitions lors de dîners privés avec quelques journalistes, puis d'un colloque organisé par l'influente association Les Amis de l'Europe, aux côtés notamment de l'eurodéputé allemand Daniel Cohn-Bendit, de l'ancien président de la Commission Jacques Delors et du ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt.
Pourquoi investir ainsi dans la production de pensée européenne? «Parce que, derrière les institutions, la construction d'une société européenne reste le vrai défi», argumente le financier connu pour ses nombreuses actions philanthropiques, notamment à travers la fondation Open Society. «L'Europe doit participer à la société d'aujourd'hui, globale et ouverte, en défendant des principes.» Pas question, poursuit le fondateur du Soros Fund connu pour sa pratique aiguisée des bourses mondiales, de faire confiance aux seuls marchés: «Les marchés sont conçus pour créer de la concurrence, pas pour répondre à tous les besoins des citoyens. Je suis convaincu que le monde a besoin d'un leadership européen.»
Les priorités
Le choix de contourner initialement Bruxelles, pour sensibiliser directement les capitales européennes qui comptent, montre bien toutefois que l'approche de l'ECFR est résolument politique. Tout comme le choix de ses premiers travaux: une contribution de son directeur Mark Leonard sur les relations UE-Russie est ainsi attendue pour novembre. L'attitude de l'Union européenne face à des Etats comme la Birmanie, le Zimbabwe et l'Ouzbékistan, plus le dossier nucléaire iranien, font aussi partie des priorités. Avec un cap non affiché, mais sous-jacent: préparer la diplomatie de la future Union post-2009, qui sera dotée de moyens accrus en politique étrangère grâce à la consolidation du poste de haut représentant de la politique extérieure. Lequel aura, selon le futur Traité européen, à la fois un pied au Conseil (représentant les Etats membres) et à la Commission, plus la responsabilité des délégations de l'UE à travers le monde.
L'UE, alors, devrait être dirigée par un président élu pour deux ans. Un poste convoité, dit-on, par l'ancien premier ministre britannique Tony Blair.