C’est un petit livre qui ravira d’aise les Européens fortunés «essorés» par la crise, paniqués par les brèches ouvertes dans le secret bancaire et affolée par la liste à tiroir rendue publique par l’OCDE à la demande du G20.
Publié juste avant le krach des bourses mondiales, «Vivre ailleurs pour vivre mieux» (Ed. de Verneuil) ne tient pas compte des changements annoncés dans les législations et mériterait déjà, à ce titre, une réédition dûment complétée. Mais il peut néanmoins se lire comme le guide de l’après-sommet de Londres. Un petit ballon d’oxygène alors que la «mise sous surveillance» de la Suisse, du Luxembourg, de la Belgique, de l’Autriche et de Singapour doit, mardi, être éclairée à Paris par une conférence de presse conjointe d’Angel Gurria, le patron de l’OCDE, et de Lazlo Kovacs, le Commissaire européen chargé de la fiscalité et des douanes.
Fait intéressant à la lumière des excès très médiatisés des «traders», son auteur, Bernard Festy, basé à Bruxelles, est un ancien de la Société Générale… La banque plombée par les pratiques de Jérôme Kerviel. L’affirmation de ce gérant de fortune familier des arcanes de la Commission européenne sur les «opportunités» offertes par la crise n’en est donc que plus savoureuse. Car opportunités il y a: «La mise en place d’une meilleure réglementation, au service d’une plus grande transparence est indispensable explique-t-il. Mais elle ne doit pas nous faire oublier une réalité: il faudra toujours des conseillers en patrimoine capables d’écouter leurs clients».
Comment? «En déplaçant le curseur poursuit-il. Le gérant de fortune post-G20 devra être moins orienté sur les rendements, mais beaucoup plus compétent en matière fiscale, compte tenu des changements annoncés et de la complexité qui va en résulter. Le tout, dans un langage clair, compréhensible par tous. Trop de clients se plaignent d’avoir, pendant des années, été assistés par des banquiers qu’ils ne comprenaient pas».
Refrain entendu aussi à Genève: le gérant de fortune réinventé devra, au sein de l’UE, mettre selon Bernard Festy l’accent sur les délocalisations physiques, seules capables de permettre d’échapper aux brèches dans le secret bancaire pour les non-résidents. S’installer à l’étranger, la solution? «160 000 Français résident en Belgique. Pourquoi? Souvent pour échapper à l’impôt sur la fortune (ISF). Or plus les administrations fiscales communautaires vont durcir le ton, plus ce mouvement va s’accélérer». Sans illusions sur l’hypothèse parfois émise à Bruxelles d’une amnistie fiscale européenne: «La pression, au sein de l’UE, ne peut qu’augmenter. Les promesses du G20 devront être financées. Il faut s’attendre à une fiscalité communautaire encore plus forte».
Dernière qualité de ce petit opus: faire rimer, chose assez rare, gestion de fortune, qualité de la vie et prise en compte de la démographie européenne. «Je pense notamment aux Seniors, de plus en plus nombreux en Europe complète l’auteur. Pour eux, une délocalisation physique dans un pays moins fiscalisé peut aussi avoir des avantages sur le plan du climat, des services, des coûts médicaux». A l’écouter, les demandes d’expatriation fiscale d’Européens vers Dubaï ou Singapour, malgré les promesses de coopération faites par ces pays, sont amenées à se multiplier. Le gérant de fortune réinventé sera donc à la fois juriste, fiscaliste, assistant social et agent de voyage. Le tout, sans doute, sous une surveillance plus étroite des autorités de régulation.
«Vivre ailleurs pour vivre mieux», Ed. de Verneuil.