Les «gilets jaunes» de retour dans la rue. Premiers heurts à Paris
France
Après l'arrestation d'une de leurs figures médiatiques, les «gilets jaunes» ont commencé samedi à se rassembler dans plusieurs villes françaises pour leur huitième journée d'action, dans l'espoir de peser sur le gouvernement qui dénonce des velléités «d'insurrection» et réclame le retour à l'ordre

Pour cette première mobilisation de l'année 2019, les «gilets jaunes» ont appelé à manifester en province et à Paris. Ces Français issus des classes populaires et moyennes dénoncent depuis le 17 novembre la politique fiscale et sociale du gouvernement, qu'ils jugent injuste, et réclament également plus de pouvoir d'achat.
Les manifestants sont restés insensibles aux concessions annoncées par le président Emmanuel Macron (annulation pour 2019 de la hausse de la fiscalité des carburants, mesures pour améliorer le pouvoir d'achat pour un coût évalué à 10 milliards d'euros, débat national qui doit s'ouvrir à la mi-janvier pour faire émerger des revendications).
Cet «acte VIII» sera un test pour ce mouvement de contestation populaire inédit qui fait vaciller l'exécutif en France depuis un mois et demi mais qui a donné de légers signes d'essoufflement dans la rue ces dernières semaines.
«On va manifester tous les samedis»
Dans la capitale française, deux principales actions ont été déclarées: une marche partira de la place de l'Hôtel de Ville en début d'après-midi pour rallier l'Assemblée nationale et un rassemblement a lieu sur l'avenue des Champs-Elysées, haut lieu de contestation lors des précédents week-ends.
De premiers heurts ont éclaté samedi en début d'après-midi à Paris entre les forces de l'ordre et des «gilets jaunes». Sur les quais de Seine, entre la place du Châtelet à proximité de l'Hôtel de Ville, des manifestants ont jeté des bouteilles et des pierres sur les forces de l'ordre qui ont répliqué par des tirs de lacrymogènes avant de recevoir le renfort de CRS.
Slogans hostiles aux médias
Plus d'un millier de «gilets jaunes» ont aussi brièvement manifesté sans violence samedi en milieu de journée devant le siège de l'Agence France Presse (AFP) à Paris. Ils ont notamment scandé des slogans hostiles aux médias, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Venus des Champs Elysées, où un rassemblement avait eu lieu dans la matinée, ces "gilets jaunes" se sont arrêtés devant les locaux de l'AFP, place de la Bourse à Paris. Levant les yeux vers les bureaux de l'agence, plusieurs d'entre eux ont alors hué l'AFP, d'autres faisant des doigts d'honneur ou dressant le poing, tandis que fusaient quelques insultes à l'encontre des journalistes.
C'est à proximité des Champs-Elysées qu'Eric Drouet, figure controversée du mouvement, avait été interpellé mercredi soir et placé en garde à vue une dizaine d'heures, provoquant l'indignation de l'opposition et de «gilets jaunes».
Près du monument du Panthéon à Paris, une vingtaine de personnes se sont réunies dans la matinée en «hommage aux victimes» mortes sur les ronds-points en marge des mobilisations, a expliqué à l'AFP Faouzi Lellouche, venu de Sevran (région parisienne). Dix personnes sont décédées (très majoritairement dans des accidents de la route) depuis le début de la contestation et plusieurs milliers ont été blessées aussi bien du côté des manifestants que des forces de l'ordre.
Dans le calme en province
Ailleurs en France, les rassemblements se déroulaient aussi dans le calme, notamment à Lyon (centre-est) et Grenoble (est). Dans l'Oise (nord), environ 300 personnes marchaient vers l'aéroport de Beauvais dans la matinée, selon les autorités régionales. Les forces de l'ordre les empêchaient d'accéder au site, sans faire usage de gaz lacrymogène. A Rouen (nord-ouest), au moins un millier de manifestants, dont des familles et des adolescents, marchaient en criant «Macron démission».
Lors de «l'acte VII» du 29 décembre, 12000 manifestants avaient été recensés en France à midi, d'après le ministère de l'Intérieur qui n'avait toutefois pas donné de chiffre global à la fin de la journée. Le ministère en avait dénombré 38600 le 22 décembre et surtout 282000 le 17 novembre.
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Fragilisé par cette contestation inédite, Emmanuel Macron avait annoncé le 10 décembre une série de mesures, notamment une hausse de 100 euros des salaires au niveau du Smic, et promis dans ses voeux du 31 décembre un retour à «l'ordre républicain». Mais il n'est pas parvenu à éteindre la fronde.
«Le fait d'agitateurs», selon le gouvernement
«La colère va se transformer en haine si vous continuez, de votre piédestal, vous et vos semblables, à considérer le petit peuple comme des gueux», prévient ainsi le collectif de «gilets jaunes» «La France en colère» dans une lettre ouverte au président français diffusée jeudi soir.
Face à cette détermination, le gouvernement a durci le ton contre les «gilets jaunes» encore mobilisés. «(Le mouvement), pour ceux qui restent encore mobilisés, est devenu le fait d'agitateurs qui veulent l'insurrection et, au fond, renverser le gouvernement», a estimé vendredi Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement.