Revue de presse
Le quotidien pro-berlusconien «Il Giornale» ne décolère pas et appelle la population italienne à aller de l’avant avec il Cavaliere. Les autres médias italiens considèrent, eux, que la page est tournée. Et qu’il convient de mettre un point à la ligne. «Il sole 24 ore» appelant de ses vœux une réelle représentation parlementaire des camps modérés au parlement

Une page d’accueil online qui porte le deuil: ce simple mot «condamné» en gros caractères bien noirs, bien funéraires. Pas de doute, on est ici sur le site du «Giornale», le quotidien pro-Berlusconi. Un quotidien qui a donc décidé de porter le deuil et le fait savoir graphiquement. Qui a décidé d’intituler la section spéciale consacrée au procès et à son issue funeste «L’assaut judiciaire». Et qui a décidé de titrer l’ensemble des articles consacrés au verdict: «Berlusconi condamné, la démocratie décapitée»…
Les commentateurs et éditorialistes du journal ne sont pas à la traîne: Vittorio Feltri, dans une quasi-allocution télévisée, constate, lui, que c’est «la politique qui est décapitée», puisqu’aussi bien le dispositif judiciaire imposé au «chef absolu» du parti le prive de toute activité politique et publique efficace. Le réduit en d’autres termes à ne plus pouvoir faire autre chose que «le vieux sage». Quant au parti, il ne compte malheureusement aucun homme, aucune femme «à la hauteur du chef»…
Mêmes échos apocalyptiques chez Alessandro Sallusti qui, face aux juges, face aux appareils institutionnels et politiques constitués, en appelle presque au dernier recours de la rue, du petit peuple, de la base. Pour lui, pas de doute: ce sont ces anonymes, ce sont ces simples citoyens que Silvio Berlusconi, dès lors qu’il est condamné, devra surtout écouter, et qui lui diront «d’aller de l’avant», peu importe ce que prétendent les décisions de justice, les magistrats, les dispositifs attentatoires à la liberté. «Aller de l’avant»: voilà le grand mot d’Alessandro Sallusti. Et bien sûr, on l’aura compris: avec Berlusconi.
La Repubblica ne voit pas les choses avec les mêmes lunettes, qui titre avec sobriété son commentaire, sous la plume de Ezio Mauro: «Les conséquences de la vérité». Pour l’éditorialiste, c’est «une histoire titanesque, dilatée énormément par la démesure populiste et la disproportion économique» qui vient mourir aujourd’hui dans le verdict de la cour de justice. Pour Ezio Mauro, c’est une «conception antilibérale et bien peu occidentale de la droite, articulée et théorisée comme un territoire d’abus légitimé par le charisme du chef» qui est aujourd’hui remise en question par le verdict de jeudi. Bref, les juges, pour Ezio Mauro, sont des héros, la justice est enfin administrée à égalité pour tous et personne, non personne ne doit perdre de vue la réalité des faits: l’énormité du délit, aujourd’hui sanctionné, commis par un homme qui prétend toujours aimer son pays.
Même tonalité pour La Stampa, qui considère qu’il ne reste au Cavaliere plus qu’une seule issue aujourd’hui: «Prendre acte du mot fin écrit par les juges de la Cour suprême et gérer au mieux sa sortie de scène.» Mais, constate Marcello Sorgi, Silvio Berlusconi, à voir ses réactions d’hier soir à la télévision, ne semble pas en prendre le chemin.
Il Corriere della Sera, enfin, constate qu’au-delà des antagonismes entre les pro et les anti-Berlusconi, «la grande majorité des Italiens (et les marchés et le reste de l’Europe) regardent toute cette affaire avec pour seule préoccupation de savoir de combien d’instabilité elle est porteuse, quelle influence elle aura sur le gouvernement, quelles conséquences elle aura sur l’effort collectif nécessaire à sortir la tête de l’eau après tant d’années d’une crise plus qu’aiguë».
Bref, il conviendrait aujourd’hui pour tous les acteurs de cette histoire sans fin de suivre l’invitation faite par le chef de l’Etat, d’accepter la réalité et de tracer une ligne sur le sable, de mettre un point à la ligne et de repartir à nouveaux frais.
Une opinion que partage également Il sole 24 ore qui constate: «Depuis aujourd’hui nous entrons dans une Italie post-berlusconienne dans laquelle il reste au vieux leader deux cartes à jouer. Ou embrasser une position anti-système de totale contestation: possible, mais peu crédible. Ou accepter le verdict, et confirmer la ligne de la responsabilité et de la prudence, celle-là même que l’invitent à suivre le chef de l’Etat et le président du Conseil. Facile à dire, bien plus difficile à faire.» Et, pour Il sole 24 ore, réalisable seulement si les modérés de tous les camps unissent leur effort pour sauver le pays d’une crise politique qui pourrait devenir alors dramatique.