«C’est au fond du Kenya que la princesse Elisabeth a appris la fatale nouvelle. Elle sera proclamée reine demain à midi.» Voilà le titre, solennel, d’un des nombreux articles que la Gazette de Lausanne, le 7 février 1952, publie au lendemain de la mort du roi George VI, le père de l’actuelle locataire de Buckingham Palace. Celle-ci fête donc aujourd’hui le soixantième anniversaire de son accession au trône du Royaume-Uni. Sans chichis pour l’instant, afin d’honorer sobrement la mémoire du dernier monarque masculin. Mais ce jour marque néanmoins le début des festivités du jubilé de diamant, qui vont courir jusqu’au mois de juin et que détaille, entre autres, le quotidien libanais L’Orient-Le Jour.

S’il fallait une preuve de la popularité retrouvée d’ER, S. A. S. la reine d’Angleterre, après les difficiles années qui ont suivi la mort de la princesse Diana, il suffit de se référer à la presse du royaume de ces jours-ci. Le réalisateur de télévision Don Kent, qui vient d’en brosser un formidable portrait, a eu beau donner la parole à ses pires détracteurs, comme les antimonarchistes qui prétendent que le titre de cheffe de l’Eglise anglicane confère à la reine le rôle de leader de la dernière théocratie d’Europe, Elisabeth II reste éminemment respectée et aimée de ses sujets.

Afin d’entretenir l’image, donc – un art désormais consommé de la monarchie moderne après le mariage de William et Kate l’an dernier – deux nouvelles photos officielles viennent d’être émises par Buckingham pour fêter ce Diamond Jubilee, indique la BBC, alors que le 9 septembre 2015, si la reine est encore en vie et sur le trône – si Dieu lui prête vie, devrait-on dire de manière plus orthodoxe – son règne deviendra le plus long de l’histoire d’Angleterre, dépassant celui de la mythique Victoria, rappelle la chronologie de La Croix. Pour l’heure, le Scotsman s’émerveille d’une image éminemment protocolaire où la reine, toute en blanc, pose aux côtés de son duc d’Edimbourg, en grand uniforme d’apparat. Tandis que le Daily Telegraph joue sur l’avant et l’après, pour montrer, en quelque sorte, l’éternité de la Dame.

Il y a plus de 1500 articles comme cela ce matin en langue anglaise, et peu de critiques. A peine le Guardian glisse-t-il qu’une manifestation républicaine se prépare en ce jour symbolique. «Majesty and modesty», titre pour sa part l’Independent, pour résumer l’émotion qui étreint le Daily Mirror et le sentiment de gloire qu’éprouve le Daily Mail, lequel montre notamment un profil sépia d’une Victoria pensive l’année de son propre jubilé de diamant, en 1897. Alors que le Financial Times consacre aussi un hommage roboratif à celle qu’il considère comme l’aristocrate «survivante du monde de Churchill, Truman et Staline».

En français, il faut lire la «reine de toujours» du Parisien, cette souveraine qui «a admirablement tenu son rôle. Elle a reçu tous les mardis son premier ministre (douze en soixante ans!), rencontré tous les présidents de la Ve République française, effectué quelque 93 voyages officiels à l’étranger, fait plus de 10 tours du monde, baptisé 23 paquebots, posé pour près de 150 portraits officiels, accueilli des millions de personnes dans ses jardins». Mais c’est aussi une reine «qui lave sa vaisselle», écrit Le Journal du dimanche. On n’a néanmoins pas encore trouvé l’article qui dirait qu’elle passe aussi la serpillière dans la cuisine.

Reste que «les grands événements «ont remodelé son royaume sans entamer le prestige et la cote d’amour dont jouit la «grand-mère du peuple». Malgré la Guerre froide, la décolonisation, les chocs pétroliers et les soubresauts de la mondialisation. Her Majesty est toujours là», écrit le Huffington Post francophone. Elle qui, «emmitouflée dans un manteau couleur marron glacé avec chapeau de fourrure assorti», à 85 ans, «a bravé dimanche le froid et la neige pour se rendre à la messe», indique Le Nouvel Observateur.

«Increvable Queen!» s’exclame pour sa part – et enfin avec pas mal d’irrespect – le site Atlantico.fr. «On ne peut que la trouver admirable de supporter sa nouvelle belle-fille, l’atroce Camilla Parker Bowles qui a pour seule qualité de contenir la libido de Charles, le fils aîné, lequel va manifestement se faire souffler le trône par son propre fils William, le bienheureux beau-frère de l’incomparable Pippa Middleton.» Et «elle a cette particularité de n’avoir jamais rien dit d’intéressant qui puisse concerner l’humanité, et de n’avoir jamais pris fait et cause pour rien…»

Car, on le sait bien, comme l’avait dit Edward Ford, son premier conseiller à Buckingham Palace, de 1952 à 1967, «la reine n’est ni de gauche ni de droite, elle met tous les politiciens dans le même sac». C’est-à-dire le sien.