■ La décision du jour Google a surpris mardi, en annonçant non pas son retrait du pays, mais une solution de contournement consistant à rediriger les usagers de son site Google.cn vers son équivalent à Hongkong, Google.com.hk, qui offre un service de recherche en chinois simplifiés, mais sans le filtre imposé par le gouvernement. Une manière élégante de tenir sa promesse de ne plus se plier à la censure chinoise, tout en gardant un pied dans ce marché estimé à 1 milliards de dollars, où il entend continuer d’offrir des services, notamment de placement publicitaire.
Pour les internautes chinois, pourtant, la solution de revient pas du tout à une levée de la censure, puisque tout le contenu provenant de l’extérieur des frontières passe par le filtre des pare-feu chinois (la «Grande muraille virtuelle»). Autrement dit, Google laisse à la Chine le soin de filtrer elle-même le contenu des recherches issues de son portail de Hongkong.
■ Le contexte Google avait annoncé en janvier son possible retrait du marché chinois, après avoir subi des attaques pirates sur plusieurs comptes de messagerie appartement à des militants des droits de l’homme. Des attaques possiblement téléguidées par Pékin. Le leader mondial de la recherche sur Internet avait alors dénoncé la censure à laquelle il était contraint pour pouvoir travailler en Chine, et avait reçu le soutien manifeste de la cheffe de la diplomatie américaine Hillary Clinton.
Depuis lors, Pékin se prépare sereinement à l’annonce du retrait de Google, dont elle estime qu’il ne s’agit pas d’une perte importante. Au premier trimestre de l’année, selon Internet World Stats, le moteur américain comptait pour 41% des recherches faites par les 400 millions d’internautes de ce pays, où le moteur chinois Baidu reste encore le plus populaire, avec 56% du marché.
Bien que ces chiffres ne soient pas publics, les spécialistes estiment que Google, dont les revenus annuels se montent à quelque 24 milliards de dollars, n’en réalise actuellement pas plus d’un ou deux pourcents en Chine.
■ Les réactions La réaction de Pékin à l’annonce du jour a été cinglante: «Google a violé ses engagements écrits pris lors de son entrée sur le marché chinois. […] Cette décision est totalement erronée. Nous sommes fermement opposés à une politisation des enjeux commerciaux; nous exprimons à Google notre mécontentement et notre indignation pour sa conduite et ses accusations irresponsables.»
Dans la foulée, les services de censure du gouvernement ont commencé à prendre des mesures techniques pour bloquer l’accès au contenu du portail de Google à Hongkong.
Dans un communiqué séparé, le ministre chinois des affaires étrangères a tenu à souligner que le cas de Google ne devrait pas affecter les relations sino-américaines «à moins que quelqu’un ne se mette à politiser l’affaire». Dans son communiqué du jour, la Maison-Blanche a marqué une certaine distance: «Nous sommes déçus que Google et le gouvernement chinois n’aient pu trouver un terrain d’entente», a-t-elle simplement noté.
Parmi les utilisateurs chinois, les réactions sont contrastées. Il y a ceux qui se réjouissent du retrait de Google, ce bras virtuel de l’impérialisme américain. Et il y a ceux qui regrettent la capitulation du groupe californien, parfois dépeint en héros de la liberté d’expression, qui laisse derrière lui un marché chinois en situation de quasi-monopole.
■ Google en Chine La société américaine emploie 600 personnes en Chine continentale, répartis dans trois bureaux à Pékin, Shanghai et Guangzhou. Son concurrent Baidu, lui, emploie plus de 4000 personnes.
En annonçant sa nouvelle stratégie, Google a dit vouloir poursuivre ses activités commerciales et ses opérations de recherche et développement en Chine, tout en précisant que ses effectifs dépendraient de l’accessibilité de son portail de Hongkong depuis la Chine.