Coup de théâtre dans la crise politique britannique. Gordon Brown se retire de la direction du Parti travailliste et va quitter Downing Street. Cela permet aux libéraux-démocrates d’entamer des négociations formelles avec les travaillistes pour former une possible coalition. Alors qu’un accord entre «lib-dems» et conservateurs semblait la solution la plus probable jusqu’à présent, tout est relancé.

Vote de succession

En fin d’après-midi, l’actuel premier ministre est venu sur le perron de Downing Street annoncer son départ. «Je n’ai pas le désir de rester plus longtemps que nécessaire.» Il reconnaît que le résultat des élections du 6 mai était «un jugement contre (lui)».

Sa démission n’est cependant pas immédiate car le Labour doit maintenant élire un nouveau leader. Cela va prendre plusieurs mois, le temps d’organiser un vote de succession, qui nécessite de faire participer les membres du Parti travailliste, les membres des syndicats et les députés du parti. Gordon Brown pourrait donc rester à Downing Street jusqu’en septembre, date de la conférence annuelle de son parti.

Son annonce change cependant tout. Les libéraux-démocrates sont plutôt de centre gauche, mais ils n’avaient aucune envie d’être les «sauveurs» de Gordon Brown, premier ministre impopulaire et usé. Son départ leur permet maintenant d’envisager une coalition avec les travaillistes.

L’offre est d’autant plus alléchante pour les «lib-dems» que les travaillistes sont en position de faiblesse, venant de perdre 90 députés. Le Labour leur propose en particulier une réforme électorale immédiate, eux qui souffrent particulièrement du mode de scrutin actuel. Les «lib-dems» auraient aussi une forte présence dans un gouvernement de coalition, pouvant revendiquer des portefeuilles importants.

Un tel scénario serait cependant sans précédent. Comment se passerait la succession entre Gordon Brown et son successeur? Peut-on ainsi changer de premier ministre sans changer de gouvernement? «Personne en Grande-Bretagne n’a aujourd’hui la réponse, estime Tony Travers, politologue à la London School of Economics. Dans un pays sans constitution écrite, il faudrait littéralement remplir les vides juridiques.»

Quel nouveau leader?

De plus, avec qui est-ce que les libéraux-démocrates vont-ils négocier? Gordon Brown se propose de «faciliter» les discussions, mais comment s’engager à quoi que ce soit sans savoir qui prendra la tête des travaillistes? Le favori est actuellement David Miliband, le ministre des Affaires étrangères, autrefois proche de Tony Blair. Mais son frère Ed pourrait aussi tenter sa chance, de même qu’Ed Balls, proche de Gordon Brown.

Enfin, les jeux sont encore loin d’être faits. Les négociations officielles entre conservateurs et libéraux-démocrates continuent. David Cameron et Nick Clegg se sont rencontrés pour la troisième fois hier. Les deux partis affirmaient – avant l’annonce de Gordon Brown – avoir fait de «nouveaux progrès».

Néanmoins, la réalité de ces progrès n’est guère évidente. Les députés libéraux-démocrates, après avoir rencontré David Laws, l’un de leurs négociateurs, ont demandé de nouvelles «clarifications» sur trois points: le financement de l’éducation, la réforme de la fiscalité et la réforme électorale. Hier soir, les conservateurs se sont dits prêts «à faire une concession supplémentaire» aux «lib-dems», sous la forme d’un référendum sur la réforme électorale.

«L’objectif de ce coup de théâtre était de complètement relancer les négociations, estime Tony Travers. C’est ce qui vient d’être fait. Il est désormais difficile de faire des prédictions, mais je crois quand même qu’un accord entre les «lib-dems» et les conservateurs reste le plus probable.» Réponse dans les prochains jours.