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Le gouvernement d'Angela Merkel vacille avant d'être définitivement constitué

En renonçant à briguer un nouveau mandat, le président du SPD Franz Müntefering met en danger le futur cabinet de coalition, même s'il peut rester vice-chancelier. Le Bavarois Edmund Stoiber, lui, abandonne son ministère.

En claquant la porte du Parti social-démocrate (SPD), lundi après-midi, Franz Müntefering a ébranlé toute l'Allemagne. Comme dans un jeu de dominos, en renonçant à briguer un nouveau mandat à la tête du parti, Franz Müntefering a provoqué une des plus graves crises politiques du pays. Il pourrait malgré tout entrer dans le gouvernement où il devrait jouer le rôle de vice-chancelier. Mais sa position est très affaiblie. Dans la foulée, Edmund Stoiber, patron de la CSU, alliée bavaroise de l'Union chrétienne démocrate (CDU), a saisi le prétexte pour renoncer au poste de ministre de l'Economie, pour lequel il était pressenti.

Le gouvernement de grande coalition entre conservateurs et sociaux-démocrates, que devrait diriger Angel Merkel, «est menacé au plus haut point», a admis le vice-président de la CDU, Christoph Böhr. Certaines voix au sein des chrétiens-démocrates ont même évoqué l'hypothèse, démentie depuis, de nouvelles élections le 26 mars 2006.

«C'est une bêtise gigantesque. On a sacrifié le président du parti à la vanité d'Andrea Nahles», se lamentait Johannes Kahrs, porte-parole de l'aide droite du SPD. Jusqu'au bout il s'était opposé à la candidature d'Andrea Nahles au poste de secrétaire générale du SPD, car la personnalité controversée de l'ancienne présidente des Jusos, les jeunes socialistes, risquait de saper l'autorité du futur vice-chancelier. Mais, irrité par la manière autoritaire dont Franz Müntefering avait tenté d'imposer son propre candidat, le Comité directeur du SPD n'a pas hésité à infliger à son président la gifle la plus douloureuse de sa carrière.

En renonçant à briguer un nouveau mandat à la tête du parti lors du congrès du 14 novembre, Franz Müntefering a tiré les conclusions: il ne bénéficie désormais plus du soutien intégral, indispensable pour continuer à diriger le parti depuis l'intérieur du gouvernement de coalition. «C'est une erreur, un accident. Nous n'avons jamais voulu nuire à son autorité», se flagellait une de ses adversaires, la ministre de la Coopération Heidemarie Wieczorek-Zeul.

Mais les dirigeants du parti conservateur ont bien compris le message. «Il est évident que ceux qui ont opéré le putsch contre Müntefering ne veulent pas de la grande coalition avec la CDU», analyse Christoph Böhr. Andrea Nahles, qui comme l'aile gauche du parti redoute la concurrence de la nouvelle gauche d'Oskar Lafontaine, a en effet développé toute son argumentation autour du retour du SPD à sa «conscience sociale». Selon Jürgen Rüttgers, ministre-président de Rhénanie du Nord-Westphalie, s'exprimant sur la chaîne ARD, «on ne peut pas dire si oui ou non il y aura une grande coalition. Le SPD doit maintenant dire ce qu'il veut».

Selon Kurt Beck, vice-président du SPD, Franz Müntefering lui aurait confirmé vouloir siéger malgré tout dans le prochain cabinet comme ministre du Travail et des Affaires sociales, mais surtout comme vice-chancelier. Il pourrait continuer à jouer le rôle de charnière entre le gouvernement et le SPD. Même si le gouvernement de grande coalition pouvait être sauvé, il est d'ores et déjà affaibli avant même d'être définitivement constitué. Les observateurs doutent que la chancelière Angela Merkel puisse diriger un tel équipage jusqu'au terme du mandat de quatre ans. Car le lâchage de Franz Müntefering par son propre parti pourrait se répéter dès qu'il s'agira de faire passer des coupes douloureuses dans la protection sociale.

Edmund Stoiber, patron de la CSU bavaroise, a saisi l'occasion du départ de Franz Müntefering, qu'il considérait comme «le pilier d'une grande coalition», pour annoncer qu'il renonçait à entrer dans le gouvernement où il devait occuper le poste de ministre de l'Economie. Il serait remplacé par Michael Glos, actuellement président du groupe parlementaire. Edmund Stoiber s'était montré très amer de devoir disputer avec la ministre de la Formation, Annette Schawan, chaque prérogative du super ministère qu'il convoitait. En restant à Munich, il s'évite un problème de succession difficile à la tête de son Land de Bavière et prend ses distances avec Angela Merkel.