«Les combats ne sont pas aussi spectaculaires que ce que vous imaginez. Les terroristes du Hezbollah se cachent dans des maisons et nous dans d'autres. Le premier qui repère l'ennemi le liquide avec toute sa puissance de feu. Les échanges de tirs sont très courts mais intenses. La règle est simple: pas de cadeau, pas de pitié.» Comme la plupart de ses compagnons de la brigade Golani, une unité d'élite, Eytan S. a connu son vrai baptême du feu la semaine dernière à Bint Jbail, la petite ville du sud du Liban où l'armée israélienne a perdu huit de ses hommes en quelques minutes. «Avant cela, j'avais combattu en Cisjordanie contre des gens du Hamas et du Djihad islamique entraînés à la petite semaine», raconte-t-il. «Avec le Hezbollah, nous sommes dix crans au-dessus. Ils sont bien armés et formés de manière professionnelle. De plus, ils ont la foi et ils connaissent mieux le terrain que nous.»
Une guerre sans pitié
A Bint Jbail, les miliciens chiites avaient piégé la plupart des maisons dans lesquelles ils pensaient que les commandos israéliens allaient s'installer. Des snipers étaient cachés un peu partout et des kamikazes dotés de lance-roquettes attaquaient les chars israéliens.
Agés d'une vingtaine d'années, les durs à cuire de la Brigade Golani crânent en affirmant «ne pas avoir peur de mourir pour leur pays» et en promettant «d'écraser le Hezbollah en moins de temps qu'il faut pour le dire». Entre quatre yeux, sous couvert de l'anonymat, beaucoup de ces combattants infiltrés de l'autre coté de la frontière à la faveur de la nuit reconnaissent qu'ils «en bavent» et que la guerre du Liban n'a rien de comparable avec les autres combats qu'ils avaient connu jusqu'à présent. «Perdre huit copains d'un coup, c'est dur», lâche Eytan. «On a beau se préparer dans sa tête, lorsqu'un ami meurt, on est pris au dépourvu.» Dans la presse, d'autres soldats ont raconté les cadavres des leurs ramenés en Israël dans les «body bags», aux côtés de dépouilles de militants chiites destinés à servir ultérieurement de monnaie d'échange. «Bizarrement, il y a beaucoup de temps morts entre les moments d'action où l'adrénaline vous submerge», explique un soldat d'origine anglo-saxonne. «C'est dans ces périodes-là que l'on pense à ceux qui viennent de nous quitter en se disant qu'aucun d'entre nous n'en abandonnera d'autres sur le terrain.»
Les écouter parler de la guerre entamée voici trois semaines, c'est aussi sentir ce drôle de conflit durant lequel les incursions de commandos armés interviennent après un pilonnage intense des villages suspectés de servir de sanctuaire au Hezbollah. Aux affrontements directs succèdent des moments de pause. «Pendant ces pauses, certains prient, d'autres somnolent ou composent des chansons pour leur copine. J'en ai même vu filmer les explosions de Bint Jbail avec leur téléphone portable, poursuit un fantassin. C'est saugrenu mais c'est aussi cela une guerre.»