«Reflet de l’état du racisme dans notre pays, la cyber-haine ne cesse de se développer», selon le gouvernement français et la députée LREM Laetitia Avia, qui reconnaît cependant dans un rapport la «difficulté de connaître l’ampleur réelle du phénomène».

L’Assemblée nationale est appelée ce mardi à voter la proposition de loi LREM de lutte contre la haine sur internet, un texte controversé qui contraint, malgré leurs réticences, les plateformes à agir, et hérissent les élus d’opposition.

Voici quelques données de ce rapport, rassemblées par Laetitia Avia:

  • Près de 1,3 million de contenus haineux ont été signalés à Twitter au cours des six derniers mois.
  • Facebook a pris des mesures à l’égard de près de 2,9 millions de contenus au 3e trimestre de 2018, contre 2,5 millions aux premier et deuxième trimestres de la même année et 1,8 million au dernier trimestre 2017.
  • D’octobre à décembre 2018, Youtube a supprimé près de 16.600 chaînes et 49.600 vidéos incitant à la violence ou à l’extrémisme violent, auxquelles il faut ajouter les 253.700 vidéos violentes et les 18.950 vidéos avec des contenus offensants ou haineux retirées, des chiffres en nette augmentation.

Selon des chiffres de la Commission européenne sur la fin 2018, les contenus haineux signalés aux plateformes relèvent principalement de la xénophobie (17%), de la haine en raison de l’orientation sexuelle (16%), de la haine anti-musulman (13%), anti-Rom (12%), et de l’antisémitisme (10%).

Un oui attendu, mais des risques de «censure»

Concluant deux journées intenses d’examen en première lecture, le scrutin est prévu en milieu d’après-midi. La plupart des groupes politiques, de la majorité LREM-MoDem à LR et PS, devraient se prononcer pour, envoyant un signal contre la cyber-haine. Les plus critiques devraient se partager entre abstention et vote contre, LFI en tête qui juge que «sous prétexte de responsabiliser les plateformes», la proposition de loi «déresponsabilise l’Etat».

En dehors de l’assemblée, le texte a uni contre lui quantité d’acteurs parfois pour des raisons différentes, au nom des risques de «censure». Dans une lettre ouverte, la Ligue des droits de l’Homme, la présidente du Conseil national du numérique et encore la présidente du Conseil national des barreaux ont plaidé que «le juge doit être au coeur tant de la procédure de qualification des contenus que de la décision de leur retrait ou blocage».

Défendant les droits de l’internaute, la Quadrature du Net s’alarme du fait que l’obligation de retrait pèsera autant sur les grandes plateformes comme Youtube et Twitter, «à l’origine du problème», que sur des opérateurs «sans activité commerciale» tel Wikipédia. Les grandes entreprises du numérique elles-mêmes s’inquiètent de l’obligation de retrait, qui pourrait entraîner une cascade de polémiques et conflits juridiques.