Proche-Orient
La censure vient d’être levée sur l’existence de deux nouveaux otages israéliens aux mains du Hamas depuis des mois. L’un est un immigré éthiopien, et ses proches dénoncent le peu d’empressement du gouvernement à obtenir sa libération. L’autre otage serait un Arabe israélien

Le Hamas détient deux nouveaux otages israéliens
Gaza Un immigré éthiopien et un Arabe israélien sont détenus depuis des mois
Personne n’aurait jamais dû entendre parler d’Abraham Abré Mengistu, un déficient mental né en Ethiopie et résidant dans un quartier pauvre d’Ashkelon (sud d’Israël). Sauf que le 7 septembre 2014, soit deux semaines après la conclusion du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, le jeune homme a franchi la ligne de séparation avec la bande de Gaza, où il a été immédiatement arrêté par le mouvement islamiste.
Pendant dix mois, la censure israélienne a interdit aux médias de révéler le sort de l’immigré éthiopien. Tout comme elle les a empêchés d’évoquer l’autre otage, un Arabe israélien dont l’identité reste inconnue et qui est également détenu à Gaza depuis la fin de l’opération «Bordure protectrice» de l’été dernier.
L’«affaire Mengistu» a éclaté parce que sa mère et son frère ont obtenu la levée de la censure. Après avoir pris conseil auprès des associations de défense des droits des «olim» éthiopiens, les nouveaux immigrants, ils ont aussi compris que les responsables sécuritaires israéliens ne se démenaient pas beaucoup pour récupérer leur proche. En tout cas, moins que dans l’affaire Gilad Shalit, ce caporal enlevé par le Hamas en 2006 et libéré cinq ans plus tard en échange de 1000 détenus palestiniens.
Soupçons de racisme
«Je suis certain que si Abraham avait été Blanc et qu’il n’avait pas été interné à plusieurs reprises dans un hôpital psychiatrique, le premier ministre Benyamin Netanyahou aurait réagi plus vite et plus fort», affirme l’ex-députée Pnina Tamano Shata, la porte-parole des associations des immigrés éthiopiens. «Je ne prétends pas que Benyamin Netanyahou est resté les bras croisés durant dix mois, mais il y a de forts relents de racisme dans la manière dont ce dossier est traité. Nous sentons que pour certains, la vie d’un Noir pauvre, malade mental de surcroît, vaut moins que celle d’un Blanc.»
A Jérusalem, l’affaire prend un tour d’autant plus politique que Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense, Moshé Yaalon, ont manifestement voulu garder l’affaire pour eux. En évitant par exemple que la puissante commission de la Défense de la Knesset, le parlement israélien, soit informée. Ces cachotteries énervent la classe politique et attisent les débats de la Knesset alors que les jeunes Israéliens d’origine éthiopienne menacent de redescendre dans la rue pour manifester de manière violente, comme ils l’ont déjà fait ces dernières semaines.
En visite dans les villes et villages jouxtant la bande de Gaza, le président de l’Etat, Reuven Rivlin, a affirmé pour sa part qu’il «était au courant de l’affaire depuis le début» et qu’il était en contact avec la famille Mengistu.
Quant au cabinet de Benyamin Netanyahou, il a publié un communiqué laconique affirmant que «le premier ministre s’emploie à faire revenir tous les ressortissants israéliens chez eux». Pour ce que l’on en sait, Benyamin Netanyahou a nommé un conseiller spécial chargé de gérer le dossier. Celui-ci a demandé à un émissaire européen de prendre langue avec le Hamas afin de savoir ce qu’Abraham Mengistu est devenu.
Les conditions du Hamas
A Gaza, Hassan Youssef, un haut responsable de l’organisation islamiste, a confirmé jeudi que l’Etat hébreu avait «mandaté quelqu’un» mais il a refusé de préciser la nationalité de l’émissaire. Il a ajouté que le Hamas était prêt à négocier la libération de l’Israélien d’origine éthiopienne et qu’il y aura évidemment un prix à payer. Comme Khaled Meshal, le chef de la branche politique du Hamas basé au Qatar, le cheikh a prévenu qu’il ne lâcherait aucune information sur l’état de santé d’Abraham Mengistu et de l’autre otage tant qu’une soixantaine de détenus palestiniens n’auront pas été libérés.
Ces derniers sont considérés par Israël comme des «terroristes ayant du sang sur les mains». Ils font partie des 1000 Palestiniens échangés en 2011 contre Gilad Shalit mais qui ont été à nouveau emprisonnés quelques mois plus tard sous les prétextes les plus variés. A Jérusalem, il se dit que Benyamin Netanyahou n’est pas pressé de négocier un tel échange puisque l’«affaire Mengistu» n’est pas considérée comme une priorité par l’opinion israélienne. Pour le moment.