Présidentielle américaine
Pour Michael Morell, l’interférence de Moscou dans la présidentielle américaine pour faire gagner Donald Trump représente un séisme politique sous-estimé. Le Congrès devrait ordonner une enquête

Michael Morell ne mâche pas ses mots. Pour lui, l’ingérence de Moscou dans la présidentielle américaine dans le but précis d’aider Donald Trump à être élu équivaut ni plus ni moins à un «11-Septembre politique». Celui qui a été deux fois directeur de la CIA entre 2011 et 2013 a tenu ces propos dans une interview publiée lundi dans «The Cipher Brief», plateforme internet regroupant des experts en sécurité.
Il réagit aux révélations du «Washington Post» selon lesquelles un rapport secret de la CIA prouve que des proches du gouvernement russe ont cherché à influencer les résultats de l’élection américaine en hackant des mails de démocrates. «C’est une attaque contre notre démocratie. Qu’un gouvernement étranger vienne troubler nos élections représente une menace existentielle contre notre manière de vivre», déclare Michael Morell. «Pour moi, et cela n’est pas une exagération, c’est l’équivalent politique du 11-Septembre. C’est énorme et le fait que cela n’ait pas davantage attiré l’attention de l’administration Obama, du Congrès et des médias traditionnels, me choque». Michael Morell, qui ne cache pas avoir soutenu Hillary Clinton, est l’homme qui a conseillé George W. Bush après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.
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Une enquête bipartite au Congrès
Présenté à des membres du Sénat, le rapport de la CIA précise que les Russes n’ont pas uniquement tenté d’interférer dans la présidence américaine en piratant des mails du Comité national des démocrates, et de John Podesta, l’ancien directeur de campagne d’Hillary Clinton. Mais que leur but était bien de favoriser et faire élire Donald Trump. Car la CIA a découvert que le Comité national des républicains a également été hacké, mais sans que les moindres informations n’aient été livrées à Wikileaks et rendues publiques. Un fait contesté ce week-end par les républicains.
«Toute intervention de la Russie est particulièrement problématique car, sous le président Poutine, la Russie a été un agresseur, constamment en train de saper les intérêts américains»
L’affaire a déclenché un séisme politique aux Etats-Unis. Vendredi, Barack Obama, qui doit déjà faire face à des critiques pour ne pas avoir réagi plus rapidement, a ordonné une évaluation complète sur les piratages informatiques survenus pendant la campagne présidentielle. Et la pression monte pour qu’une enquête bipartite au Congrès soit ordonnée, comme exigé par les influents républicains John McCain et Lindsay Graham, ainsi que par le démocrate Chuck Schumer.
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Lundi, des signaux laissaient penser que le Congrès à majorité républicaine enquêtera bien sur l’immixtion russe et les cyberattaques, au moment précis où Donald Trump amorce un rapprochement avec Moscou. «Toute intervention étrangère dans nos élections est entièrement inacceptable. Et toute intervention de la Russie est particulièrement problématique car, sous le président Poutine, la Russie a été un agresseur, constamment en train de saper les intérêts américains», a souligné Paul Ryan, le président de la Chambre des représentants, lors d’une conférence de presse. Mais ce sont en principe les discrètes commissions du Renseignement qui pourraient se charger de l’enquête.
La réaction de Donald Trump, jugée problématique
De son côté, le président élu Donald Trump campe sur ses positions. Il a balayé ce week-end les accusations qu’il qualifie de «ridicules», en dénigrant la CIA. De quoi s’interroger sur la manière dont il compte travailler avec les différents services de renseignements par la suite. «Les analystes de la CIA parvenus à ces conclusions sont les mêmes que ceux qui disaient que Saddam Hussein disposait d’armes de destruction massive», n’ont pas hésité à déclarer les responsables de son équipe de transition.
Can you imagine if the election results were the opposite and WE tried to play the Russia/CIA card. It would be called conspiracy theory!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 12 décembre 2016
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Pour Michael Morell, cette réaction est problématique, le président des Etats-Unis, le patron de la CIA et le directeur du Renseignement national étant censés être liés par une relation de confiance en raison des informations sensibles échangées. «Un président n’a pas besoin d’être d’accord avec tout ce que la CIA déclare, mais il doit l’écouter, avec un esprit ouvert. Et ne pas critiquer publiquement l’institution», souligne l’ancien directeur dans l’interview.
L’ingérence russe a été confirmée début octobre déjà par le Département de la Sécurité intérieure et la Direction du renseignement. Son ampleur et surtout ses effets concrets resteront difficiles à évaluer. Pour Michael Morell, c’est désormais une réponse «dissuasive» que les Américains doivent donner à Vladimir Poutine, «pour qu’il sente la douleur et paye le prix de ce qu’il a fait».