proche-Orient
La ministre de la Culture, Miri Regev, promet de couper les subsides à certains théâtres et artistes «qui participent à la délégitimisation de notre pays et à son boycott». Son homologue de l’Education a déjà fait de même

Israël s’attaque à la culture non patriotique
Proche-Orient La ministre de la Culture promet de couper les subsides à certains théâtres et artistes
Son homologue de l’Education a déjà fait de même
La guerre est déclarée entre le monde israélien de la culture et le nouveau gouvernement de Benyamin Netanyahou. Les hostilités ont débuté mardi, lorsque la ministre de la Culture, Miri Regev (Likoud), une ancienne porte-parole de l’armée qui a le rang de brigadier général, a promis que son ministère n’accordera plus de subsides aux organismes, théâtres et artistes israéliens «qui participent à la délégitimisation de notre pays et à son boycott». Et de poursuivre: «Libre à eux de continuer à le faire, mais pas avec l’argent du contribuable.»
Pour concrétiser ses paroles par des actes, la ministre, qui inaugurait le festival annuel du film de Sderot, a annoncé qu’elle coupait les crédits alloués au théâtre de Haïfa, parce que l’acteur arabe israélien Norman Issa, 47 ans, une grande figure de la scène locale, refuse de se produire dans une colonie de Cisjordanie. Dans la foulée, Miri Regev a confirmé le gel des subsides alloués au théâtre pour enfants El Mina que Norman Issa a créé à Jaffa avec son épouse.
«Je ne comprends pas», affirme ce scénariste également titulaire du prix du meilleur acteur israélien depuis 2012. Devenu célèbre à la suite de la diffusion par la deuxième chaîne de télévision de la série humoristique Travail arabe, qui dénonçait les travers de la société de manière humoristique, l’homme est en tout cas connu pour sa modération. «Je vis en Israël, mon épouse est juive et notre vie ainsi que celle de nos enfants est imprégnée de dialogue et de compréhension», dit-il.
Mais cet argument confirmé de longue date par les faits ne fait pas le poids face à une ministre dont les préoccupations sont étrangères au monde de la culture. Durant son premier mandat de députée du Likoud, le parti du premier ministre Benyamin Netanyahou, Miri Regev s’était déjà signalée en montant sur scène avec un drapeau israélien chaque fois qu’elle était invitée à des débats sur la poursuite de la colonisation. En 2012, elle a également fait scandale en prenant la tête d’une manifestation d’habitants des quartiers sud de Tel-Aviv qui molestaient dans la rue les immigrés clandestins d’origine subsaharienne. «Ils sont comme un cancer qui se développe dans notre pays», avait-elle alors asséné face aux caméras.
A l’annonce des sanctions frappant Norman Issa, plusieurs intellectuels israéliens ont appelé la ministre à «comprendre que la création culturelle ne peut être limitée par des impératifs politiques parce qu’elle a besoin de la plus grande liberté démocratique pour éclore». Miri Regev ne leur a pas répondu directement, mais elle a répété devant tous les micros qu’elle «reste ferme sur les principes».
Comme son homologue de l’Education, Naftali Bennett (Foyer juif), qui vient de geler les subsides destinés à financer la représentation dans les écoles de la pièce Temps parallèle, écrite par l’atelier du théâtre Al Midar de Haïfa. En substance, ce texte s’inspire de la vie de Wallid Daka, un Palestinien condamné à la perpétuité pour avoir poignardé le soldat israélien Moshé Taman en 1984, pour raconter sous une forme allégorique la vie des détenus ainsi que leur désir de se marier.
Il y a quelques jours, la commission du répertoire, créée au sein du Ministère de l’éducation pour décider d’accorder ou non une aide financière aux divers projets culturels qui sont présentés, a assisté à une représentation de Temps parallèle. Ses membres n’y ont rien décelé de choquant. Mais Naftali Bennett n’a pas écouté leur avis. A ses yeux, «le fait même qu’une telle pièce existe constitue une provocation». Voire, une «incitation au meurtre». Et de poursuivre: «Que cela plaise ou non, tant que je serai en place, les citoyens israéliens ne financeront pas des œuvres qui glorifient l’assassinat de leurs soldats.»
A l’instar de Miri Regev, Naftali Bennett a d’ailleurs demandé à son administration de passer au crible tous les projets soumis à des subsides afin d’éliminer de la liste les œuvres qui ne cadreraient pas avec la ligne du gouvernement ou qui seraient jugées «contraires aux intérêts» de l’Etat hébreu.
«Les citoyens israéliens ne financeront pas des œuvres qui glorifient l’assassinat de leurs soldats»