Jean-Marie Dubey, responsable de l'aide humanitaire d'urgence pour l'ONG Terre des hommes, revient d'une mission de reconnaissance en Géorgie. Des centres récréatifs seront mis sur pied dès septembre pour les enfants déplacés à Gori et à Tbilissi. Interview.

Le Temps: Vous revenez tout juste de Tbilissi. Qu'y avez-vous vu?

Jean-Marie Dubey: 120000 déplacés sont à Tbilissi, répartis dans 630 centres d'accueil, de la petite maison hébergeant quelques personnes à l'hôpital désaffecté en abritant 2000. Ces gens vivent dans des conditions très précaires.

- Quelle est la priorité?

- Le plus grand problème est l'accès à l'eau, d'autant qu'il fait dans les 40 degrés la journée. Le CICR, notamment, a déjà beaucoup travaillé dans ce domaine, en installant des points d'eau et des sanitaires. Lorsque j'aborde des familles pour leur proposer des activités avec les enfants, elles trouvent cela très sympathique, mais réclament d'abord de l'eau et des matelas! Il manque encore 80000 couches. Les gens dorment par terre. Tout cela est d'autant plus important que 60000 personnes viennent de comprendre qu'elles ne rentreront pas chez elles, en Ossétie du Sud ou en Abkhazie.

- Etes-vous allé en Ossétie du Sud?

- Nous n'avons pas eu l'autorisation de nous y rendre. Les ONG occidentales ne sont pas les bienvenues là-bas. Poutine préfère se débrouiller sans nous.

- Quel programme allez-vous développer?

-Nous souhaitons venir en aide à 2000-3000 enfants des centres de déplacés. Il s'agit de leur offrir un espace de protection, un soutien psychologique et des animations récréatives. A travers le jeu, le sport, le dessin, nous les aidons à surmonter leurs traumatismes. Ils ont vécu les combats, un départ précipité et se trouvent aujourd'hui dans des endroits insalubres, entourés d'adultes qui parlent toute la journée du retour impossible. Ces blessures silencieuses sont aussi importantes que les blessures de guerre: il faut y travailler dès le début.

- Quels sont les moyens dont vous disposez?

- Nous souhaitons former une quarantaine de personnes sur place afin de nous épauler dans la réalisation de ce projet. Il y a dans ces camps des instituteurs, des profs... des gens tout à fait compétents pour travailler avec des enfants. Nous lançons le programme en collaboration avec la Faculté de psychologie de l'Université de Tbilissi. Pour six mois, nous misons sur un budget de 400000 francs, mais nous n'avons pour l'heure que des promesses à hauteur de 250000 francs. Les bailleurs donnent d'abord pour les abris et la nourriture, le psychosocial n'est pas, à leurs yeux, prioritaire.