Lundi matin, costume bleu sombre, chemise blanche au col ouvert, Jérôme Kerviel, droit au micro, s’est déclaré sans profession et «actuellement» sans revenus.
Seul prévenu, il est installé sur un fauteuil au premier rang de la grande salle d’audience de la 1ère chambre de la cour d’appel. Les journalistes sont nombreux, mais le public clairsemé. Derrière lui est assis son nouvel avocat, le jeune et médiatique David Koubbi, 39 ans, venu à l’audience avec associé et collaborateurs.
Sans question de procédure soulevée par l’une ou l’autre partie, les débats sont entrés directement dans le vif du sujet, la présidente interrogeant d’emblée Jérôme Kerviel sur son mandat de trader et ses limites, qu’il est accusé d’avoir pulvérisées.
Une «charte déontologique» et un «cahier des procédures de trading», que tout trader est amené à signer à son arrivée à la Société Générale, l’invitent à se montrer «loyal vis-à-vis de la Société Générale et ne pas nuire à ses intérêts», à «couvrir» ses positions, «être de bonne foi», «ne pas chercher à gagner de l’argent en faisant décaler le marché», a égrené la présidente.
«Pour être très franc avec vous, je l’ai pas lue à l’époque», a répondu Jérôme Kerviel.
Une somme très risquée
Il lui est reproché d’avoir pris en 2007 et 2008, sans mandat et à l’insu de sa hiérarchie, des positions spéculatives hors normes sur des marchés à risque, atteignant parfois des dizaines de milliards, et d’avoir déjoué les contrôles avec des opérations fictives, de fausses écritures et des mensonges répétés.
Les discussions de la matinée ont tourné autour de la limite du risque que les traders du service dans lequel travaillait Jérôme Kerviel étaient autorisés à prendre au-delà d’une journée, posée collectivement à 125 millions d’euros.
La limite était fréquemment dépassée, mais jamais au-delà de 200 millions, a constaté Mireille Filippini au vu dossier.
«Cinquante milliards, évidement, c’est une somme astronomique... très risquée et effectivement je n’aurais pas dû la prendre», a-t-il reconnu, questionné par une présidente qui a immédiatement assis son autorité.
Elle a d’abord rabroué les avocats des parties civiles qui s’étaient installés au-delà de l’espace qui leur est réservé, avant de tacler plusieurs fois David Koubbi, lui reprochant notamment de vouloir faire la police de l’audience à sa place.
A la pause déjeuner, devant les micros et caméras amassés à la sortie de la salle d’audience, Me Koubbi a affirmé sa conviction qu’»une décision de relaxe» serait prononcée, car la présidente, dit-il, ne se laissera pas «abuser» par les arguments de la banque.
Pas d’argument nouveau selon la Société Générale
Aavant l’audience, Jean Veil, avocat de la Société générale, s’était quant à lui déclaré «surpris par le bruit médiatique» de ce procès en appel», alors qu’il n’y a «strictement aucun argument nouveau».
Jeune homme sans histoires et d’un milieu modeste, originaire de Pont-l’Abbé (Finistère), Jérôme Kerviel a toujours admis qu’il avait perdu le sens des réalités, s’étant retrouvé pris dans un «engrenage». Mais il a toujours affirmé que son seul but était de faire gagner de l’argent à la banque et que ses supérieurs hiérarchiques cautionnaient ses méthodes. Au premier procès, ses anciens chefs avaient tous nié avoir eu connaissance de ses agissements.
Ils devraient répéter leur dénégation en appel. L’ancien PDG de la banque notamment, Daniel Bouton, est attendu comme témoin le 21 juin.
Le procès est prévu jusqu’au 28 juin.