S'il fourmillera d'exposés, de débats et de projets, ce Congrès est cependant totalement dépourvu d'enjeu. Sans l'ombre d'un suspense, José Maria Aznar sera réélu ce samedi, haut la main, président du parti. Une manière de célébrer son leadership incontesté au sein de la droite espagnole, et de reconnaître son autorité suprême sur le mouvement. Non seulement aucune voix n'ose s'élever contre lui, mais la question de sa succession demeure taboue, du moins jusqu'à l'année prochaine, lorsqu'il s'agira de désigner un candidat du PP pour les prochaines élections générales, en 2004. S'il y avait une quelconque inconnue, il s'agirait précisément de la succession d'Aznar. A l'automne, ce dernier a confirmé qu'il n'ira pas au-delà de son deuxième mandat (huit ans). Pourtant, certains caciques du parti voudraient qu'il revienne sur sa décision.
D'autres leaders européens donneraient cher pour avoir ce type d'ennui! De fait, depuis 1990, lorsqu'il prend les rênes du PP, José Maria Aznar a fait un parcours exemplaire. Il a d'abord modernisé l'appareil du parti et débarrassé ses rangs des scories du franquisme. Aux élections générales de 1996, il met fin à quatorze ans de règne du socialiste Felipe Gonzalez avant d'obtenir, au printemps 2000 la majorité absolue. Malgré un charisme proche de zéro et un faible sens de la communication, Aznar figure en tête des personnalités politiques les plus appréciées, devant le fringant et élancé secrétaire général du Parti socialiste, Rodriguez Zapatero.
Lorsque d'autres nations européennes connaissent de fortes turbulences politiques, l'Espagne d'Aznar vogue sur des eaux relativement paisibles, si l'on excepte bien sûr le conflit armé au Pays basque. Depuis son accession au pouvoir, le leader castillan a su éviter les écueils les plus sensibles. Fort d'une majorité absolue aux Cortès (parlement) son parti a repoussé sine die les projets de loi sur l'avortement et le mariage civil, qui heurteraient son électorat conservateur. Le parti d'Aznar a aussi su garder les faveurs de l'Eglise, son allié traditionnel, sans provoquer de remous social. Seule grosse fausse note sociale: l'immense mobilisation du monde des universités contre la récente loi visant à privatiser ces institutions.
L'autre force d'Aznar, c'est d'avoir évité qu'éclate au grand jour de gros scandales de corruption, lui qui n'a cessé de se présenter comme «l'homme propre venu laver l'Espagne des méfaits des socialistes». Il y a certes eu des «crises», comme l'inculpation de son ministre des Affaires extérieures, Josep Piqué, dans une affaire de pots-de-vin, mais elles sont vite retombées. En juillet, une affaire de détournement de fonds d'une société d'investissement a vite été «tassée» par l'éviction d'un secrétaire d'Etat impliqué. «Le principal atout d'Aznar, c'est de dégager un consensus», dit un éditorialiste d'El pais. Une analyse qui semble s'appliquer aussi à l'échelle européenne: fervent partisan d'une lutte antiterroriste menée de concert avec les Etats-Unis, Aznar se montre mois prosélyte que Tony Blair; nationaliste issu d'une tradition autoritaire, il se montre plus mesuré dans ses propos que Silvio Berlusconi. Tel est peut-être, au fond, le secret d'Aznar: la prudence.