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Journée de colère chez les chiites de Sadr City, révoltés par l'assaut américain contre Najaf

L'offensive américaine se poursuit autour et dans la ville sainte de Najaf tenue par les miliciens chiites ultras de Moqtada al-Sadr. A Bagdad, les partisans de l'imam radical ont manifesté vendredi, éructant leur haine contre la puissance occupante.

L'offensive américaine menée contre les miliciens du Mahdi dans la ville sainte de Najaf n'a fait que renforcer la haine des fidèles du leader radical chiite Moqtada al-Sadr. A Bagdad, plusieurs centaines d'entre eux ont choisi de quitter le quartier déshérité de Sadr City, fief du chef rebelle dans le nord-est de la capitale où vivent quelque trois millions de chiites, pour manifester leur colère et leurs revendications en direction de la «zone verte», qui abrite le siège du gouvernement intérimaire irakien et de l'ambassade américaine. Circulant à bord de camions, voitures et bus, les militants, qui n'étaient pas armés, brandissaient des portraits de leur jeune leader tout en scandant des slogans anti-américains: «Moqtada, tu es notre modèle. Avec toi nous libérerons l'Irak de ces infidèles.»

Ali Mohammed et Hussein al- Saadi n'ont pas hésité à se joindre à la manifestation lorsqu'ils ont appris que leur chef charismatique avait été blessé lors des violents combats à Najaf. «Moqtada est un homme honnête et pieux qui lutte pour notre liberté et l'amélioration de nos conditions de vie, contrairement aux autorités irakiennes qui font le jeu des Américains, lance l'un d'eux. S'il le faut, poursuit-il, nous combattrons au côté des hommes du Mahdi à Najaf afin que notre pays ne devienne pas un nouvel Etat des Etats-Unis.» Visages haineux et propos virulents, les deux hommes se disent prêts à gonfler les rangs des futures bombes humaines si les forces multinationales ne se décident pas à quitter l'Irak. Remontés contre le premier ministre irakien, Iyad Allaoui, qui refuse tout dialogue avec les miliciens et exige leur désarmement et leur départ de la ville sainte, les protestataires cherchaient hier à «tenir une manifestation pacifique» devant le centre de conférence situé dans le périmètre hautement protégé de la Zone verte.

«Il faut qu'il sache que nous n'obéirons jamais au pouvoir américain quelle que soit la forme qu'il prend. Tout le monde sait qu'Allaoui est un Américain déguisé en Irakien», lâchait l'un d'entre eux, fermement décidé à forcer les barrages. Drapeaux et banderoles en mains, bandeaux verts ceints sur le front, Imad et Ahmed al-Kouraïchi, la trentaine, dénoncent eux aussi un gouvernement irakien aux bottes des Américains et des Britanniques. Originaires du quartier chaud de Sadr City, ils disent vouloir en finir avec «ce pouvoir corrompu» qui finalement n'est «pas mieux que celui de Saddam». Soucieux d'en découdre avec les Américains, les deux hommes prendront dès dimanche le chemin de Najaf pour lutter au côté des autres moudjahidines.

Cheikh Ra'id al-Kadhemi, du bureau de Moqtada al-Sadr à Kadhemya, un des plus importants quartiers chiites de Bagdad, sourit à la simple évocation de la Conférence nationale qui, dès dimanche, devrait lancer le processus démocratique en vue des élections générales prévues en janvier prochain. «Il nous est impossible de participer à une conférence organisée par un gouvernement qui est né par la volonté de l'occupant et constitué de traîtres. Nous réclamons un gouvernement élu, honnête, nationaliste, hautement qualifié et prêt à veiller sur la dignité et les droits des Irakiens sans recourir à l'humiliation», explique le chef religieux tout en soutenant que son mouvement est prêt à faire taire les armes. «Nous voulons arrêter les combats mais non au détriment de notre dignité et légitimité, dit-il. A chaque fois que nos droits et lieux saints seront violés nous répondrons par la force. Les Sadériens n'accepteront jamais l'ignominie».

Depuis près d'une semaine, l'Irak, et particulièrement Bagdad, vit au rythme des combats persistants à Najaf. «Chaque bain de sang versé dans la ville sainte trouve sa répercussion dans la capitale», assure un commerçant chrétien qui, à plusieurs reprises, a été sommé par les militants du Mahdi de fermer son commerce d'alcool à Kerrada. «Nous vivons un enfer au quotidien. Entre la guérilla, le terrorisme et l'armée américaine, nous mourrons à petit feu.»