L’agression de Champigny est toutefois d’un autre ordre. Comme à Viry-Châtillon dans l’Essonne voisine en octobre 2016 (deux policiers grièvement blessés après l’attaque de leur voiture au cocktail Molotov alors qu’ils montaient la garde au pied d’une caméra de surveillance) ou comme cela avait été le cas place de la République à Paris en mai 2016 (une voiture incendiée par des manifestants en marge d’une protestation du mouvement «Nuit debout»), les policiers ont été sciemment pris pour cible. De quoi alimenter la colère dans les commissariats, où les grèves et les protestations se multiplient depuis deux ans pour réclamer l’augmentation des moyens et des peines plancher plus lourdes contre les coupables de tels actes.
Des groupes internationaux
Les policiers s’inquiètent aussi de la recrudescence, en France, de groupes internationaux résolus à s’en prendre à eux lorsque la tension sociale monte. Le lanceur de la grenade fumigène contre la voiture de police place de la République était un Suisse de 35 ans de la mouvance antifa, Joachim Landwehr. Il a été condamné en octobre à 7 ans de prison ferme par contumace, pour ne pas s’être présenté à l’audience, et continue d’être en cavale à ce jour. L’un de ses complices français a, lui, écopé de 3 années de détention.
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Ce qui s’est passé à Champigny se rapproche davantage des dérapages récurrents qui se déroulent lors des interventions policières dans les banlieues difficiles où les forces de l’ordre sont régulièrement prises pour cible par des jeunes eux-mêmes victimes de «violences» policières. Piégés parce que trop peu nombreux à s’être rendus sur place, et pris de court par une soirée dans un hangar dont les organisateurs ont été débordés, les policiers du commissariat local se sont vite retrouvés séparés, donc vulnérables et pris à partie. A l’inverse, une mobilisation nationale avait suivi, en mai 2016, la mort non élucidée dans un commissariat de police d’un jeune homme de 24 ans, Adama Traoré, à Beaumont-sur-Oise. Des protestations identiques avaient aussi eu lieu après l’interpellation violente en février 2017 de Théodore Luhaka, un jeune d’une cité de Bobigny.
Ce qui s’est passé dans la nuit du 31 décembre à Champigny a aussitôt ravivé le malaise des forces de l’ordre, qui, après avoir bloqué Paris à plusieurs reprises à la fin du quinquennat de François Hollande, ont fait plier à l’automne par leur mouvement de colère le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Ce dernier, parvenu à sauver une hausse des crédits d’environ 2% pour la police dans un contexte général de réduction des dépenses publiques, est devenu au fil des mois l’incarnation sécuritaire controversée du quinquennat d’Emmanuel Macron, en raison également de ses consignes très dures sur les contrôles d’identité des migrants et sur le renvoi des clandestins dans leurs pays d’origine.
Une «police de sécurité du quotidien» très attendue
Preuve de ce malaise, une quarantaine de policiers ont mis fin à leurs jours en France en 2017, dans un contexte de pression fortement accrue par les menaces terroristes. Un couple de policiers avait été tué chez lui à Magnanville (Oise) par un jeune musulman extrémiste en juin 2016. Le 20 avril 2017, un autre policier avait été abattu par un forcené sur les Champs-Elysées à Paris. Les policiers français sont, depuis lors, autorisés à garder chez eux leur arme de service.
Le premier Conseil des ministres de l’année, ce mercredi, devrait envoyer un message rassurant aux forces de l’ordre, dont les syndicats ont lancé un mot d’ordre d’action pour le 9 janvier. Lors d’un discours devant les policiers en octobre dernier, Emmanuel Macron avait annoncé la création de 10 000 postes sur le quinquennat, dont 7000d’ici à 2020, et la mise sur pied d’une «police de sécurité du quotidien», mesure maintes fois promise par les présidents précédents mais jamais vraiment tenue. L’effectif de la police nationale française est d’environ 120 000 personnes, auquel viennent s’ajouter les policiers municipaux de plus en plus nombreux.