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La junte birmane se cabre sur l'affaire du travail forcé

Les relations avec l'Organisation internationale du travail se détériorent. Rangoon menace de rompre.

Accusée depuis plus de dix ans de ne rien faire pour mettre un terme au travail forcé sur son sol, la Birmanie envisage de se retirer de l'Organisation internationale du travail (OIT). La junte l'a fait comprendre à Francis Maupain, conseiller spécial auprès du directeur général de l'OIT Juan Somavia, lors de sa récente visite à Rangoon. Depuis l'installation d'un bureau de liaison de l'OIT sur place en mai 2002, l'OIT a tenté d'aider les autorités birmanes à réduire l'ampleur du travail forcé tout en faisant des enquêtes de terrain pour voir l'évolution de la situation.

«Dès le départ, j'ai eu une liberté totale de mouvement, Mais, depuis le début de l'année, ce n'est plus le cas», explique Richard Horsey, représentant par intérim de l'OIT à Rangoon. Une collaboration s'était pourtant nouée avec la junte, et certains progrès avaient été réalisés. Le bureau de l'OIT a ainsi reçu une centaine de plaintes de Birmans sur des cas de travail forcé. A la suite de ces plaintes, dix fonctionnaires ont été sanctionnés, et des enfants enrôlés de force dans l'armée ont été libérés.

Mais les choses se sont gâtées après l'arrestation, officiellement pour corruption, de Khin Nyunt en septembre 2004. Le général et ses alliés, considérés comme le clan des pragmatiques au sein de la dictature, supervisaient les activités de l'OIT.

«Le jour où Khin Nyunt a été écarté, il y a eu un durcissement, et la coopération avec l'OIT a commencé à patiner», dit Francis Maupain. Les relations se sont rapidement dégradées. Le représentant de l'OIT a reçu une vingtaine de menaces de mort par lettre au cours de l'été. «Si vous continuez à interférer dans nos affaires intérieures, votre tête va être coupée et nos gens vous écraseront et vous empoisonneront», lit-on dans l'une d'elles.

Dans le même temps, des manifestations de masse organisées par des mouvements liés à la junte birmane dénonçaient les «atteintes [par l'OIT] à la souveraineté du Myanmar [nom officiel de la Birmanie]», la presse aux ordres reproduisant in extenso les discours appelant à résister «au danger posé par les destructeurs». Plus grave, des Birmans, victimes de travail forcé, qui avaient porté plainte ont été arrêtés et condamnés à des peines de prison.

Alors que le Conseil d'administration du Bureau international du travail, dont la 294e session s'est ouverte hier, va se pencher sur le dossier birman, Rangoon doit donner un préavis de deux ans avant de quitter effectivement l'organisation. Cette période laisse ouverte la possibilité de négociations qui pourraient amener la junte à faire machine arrière. Si elle persiste, un durcissement des sanctions est à prévoir. Et les pays asiatiques voisins auront beaucoup de mal à continuer à prôner leur politique d'engagement constructif avec la dictature.