Comme s’ils avaient pu choisir un jour «J» pour l’annoncer. Le même que l’inauguration du nouveau compte Twitter du pape (Benedict XVI, @pontifex)! Mais ce n’était qu’un apéritif. Et «le moment idéal» pour Kate Williams, auteure spécialiste de la Couronne britannique interrogée par la BBC: «Le jubilé est terminé, les Jeux olympiques sont finis.» Plus rien à se mettre sous la dent, donc. Jusqu’à ce que survienne ceci.
Ça a commencé lundi par une «hyperémèse gravidique». Autant dire pas très bien, même si c’est banal: une forme sévère de nausées et de vomissements, fréquente dans le premier trimestre de grossesse. Qui, en l’occurrence, a nécessité une hospitalisation. Qui, en l’occurrence, a nécessité une information officielle. Qui, en l’occurrence, a tout aussitôt inondé la galaxie et le reste de la Toile. Elle met fin à des mois de conjectures sur une possible grossesse royale: Kate Middleton, duchesse de Cambridge et épouse du prince héritier de la Couronne d’Angleterre, attend! Pas n’importe qui, évidemment, puisqu’il s’agira du (de la) futur(e) monarque.
Du coup, le premier ministre britannique, David Cameron, bon prince aussi, en a oublié tous ses soucis, les relations conflictuelles du Royaume-Uni avec l’Union européenne, la crise économique, l’Ecosse qui joue les fugueuses du Royaume, bref: tout, quoi! Il s’est précipité, enthousiasmé, sur son compte Twitter, pour y écrire: «I’m delighted by the news that the Duke and Duchess of Cambridge are expecting a baby. They will make wonderful parents.» Pas besoin de traduire, n’est-il pas? Puis les messages émus ont suivi: l’archevêque de Cantorbéry; le vice-premier ministre, Nick Clegg; le chef de l’opposition, Ed Miliband; le premier ministre écossais, Alex Salmond. Et même le roi et la reine d’outre-Atlantique, M. et Mme Obama.
Excusez du peu, et courez sur le site de microblogging avec les hashtags royalbaby, kate middleton pregnant ou royal_fetus pour mesurer l’effet bœuf de la nouvelle. La BBC fait notamment le tour de ces réactions qui enchantent le monde politique, les historiens de la royauté, les people, les observateurs, les nobodies. Eplorés de bonheur, toutes et tous. Le mot-clé? Delight. Il ne manque à cette armée de bienheureux que ceux qui s’en fichent, et ils sont nombreux, comme Julien Belliveau, sur Twitter: «Royal baby?? Good for them, but honnetement jcare pas».
Des jumeaux?
Mais il a beau dire, celui-ci, «cette fois, c’est officiel», clame le Guardian, qui propose déjà un très amusant quiz sur les bébés de la Couronne, les petits porteurs d’un grand destin en barboteuse – regardons l’air compassé de la reine Victoria… Et déjà aussi – c’est dingue, quand même –, le très sérieux Daily Telegraph s’étonne de cette annonce si précoce, après seulement douze semaines de grossesse. Et il ose: cet hyperemesis gravidarum que décrypte le site Slate.fr, c’est souvent un signe assez clair, paraît-il; il pourrait s’agir non pas d’un mais de deux bébés. Imaginez la bombe! Même Courrier international y croit, c’est dire.
Certes, la duchesse «est très malade», dit le Sun, ajoutant: «poorly Kate». Mais ce qui est le plus important, pour le tabloïd, c’est que la reine n’était même pas au courant, selon une source bien informée, elle, de Buckingham. Le journal donne également une liste de prénoms possibles, avec taux de probabilité: Spencer, Andrew, Victoria et Alexander arrivent en tête. Ce n’est qu’un exemple des trésors d’imagination déployés par la presse britannique, pour laquelle le reste du monde s’est arrêté de tourner lundi en fin d’après-midi. Afin de permettre aux journalistes de produire, rien qu’en anglais, près de 4400 articles en une quinzaine d’heures sur le Web!
Dans cette avalanche, le Daily Mail annonce, tel le psychanalyste de la cour, que le prince William va enfin pouvoir vivre ce qui lui a toujours manqué: «une vie de famille normale». Ainsi, «il se battra pour donner à son enfant la stabilité affective que lui a à peine connue lorsqu’il était un petit garçon». C’est pas beau, ça? Le Daily Mirror adopte un autre angle, lui, pour assurer que, si c’est une fille, elle s’appellera Diana, comme sa grand-mère tragique. Quelle belle initiative de ce «proud daddy-to-be Prince William» ! Il faut préciser ici que c’est «un expert» qui le dit. Comme toujours, la royauté britannique en regorge.
Des photos, des photos…
Voilà. Vous êtes heureux, vous aussi? Après l’annonce officielle partie de la résidence de Clarence House, «on ignore ce que pourront produire les martyrs de cette journée, les journalistes de la presse ces six prochains mois, lit-on sur Atlantico. Toutes les photos d’archives, de mariage, d’enfance, de Kate et William, ont déjà été publiées en une journée, du diaporama des bisous de Kate aux petits enfants au live blog du problème obstétrique royal» sur tous les sites. On n’en demandait pas tant.
La revue de presse