Réaction prudente des Occidentaux
L’annonce d’un cessez-le-feu permanent dans l’est de l’Ukraine a surpris tout le monde, y compris Oleksandr Lytvynenko, secrétaire adjoint du Conseil de sécurité nationale et de défense du pays, mis au courant au milieu d’un entretien téléphonique (lire article ci-dessous): «Une bonne nouvelle», s’est-il immédiatement réjoui. La fin négociée du conflit est dans l’intérêt de tous, et surtout des Ukrainiens. Selon l’annonce faite par le président ukrainien, Petro Porochenko. Mais les démentis n’ont pas tardé à tempérer l’enthousiasme.
A commencer par celui du Kremlin, qui a aussitôt démenti de façon abrupte au motif que la Russie «n’est pas partie prenante au conflit» et donc ne saurait conclure d’accords en la matière. Il a cependant immédiatement concédé que son point de vue sur la crise ukrainienne et celui de son homologue ukrainien, Petro Porochenko, avec lequel il avait parlé au téléphone, étaient «très proches». Tout au long de la journée, avec un sens consommé de la communication et du timing, Vladimir Poutine a cherché avec un certain succès, du moins momentané, à voler la vedette au président américain, Barack Obama, en visite à Tallinn pour rassurer les pays Baltes, inquiets de l’expansionnisme de Moscou.
Le président russe, en voyage en Mongolie, a présenté un plan de règlement du conflit en Ukraine en huit points (lire encadré), et dit qu’un accord entre séparatistes et Kiev pourrait intervenir dès vendredi. «J’ai ébauché quelques réflexions, un plan d’action», a-t-il déclaré avec quelque désinvolture, au moment précis où Barack Obama devait, lui, prendre la parole à Tallinn pour lancer un message de solidarité atlantique. Selon le dirigeant russe, il faut avant tout «mettre fin aux opérations offensives» dans les régions de Donetsk et de Lougansk, dans l’est de l’Ukraine.
Jusqu’à présent, Kiev avait résisté aux appels russes et occidentaux à un cessez-le-feu, estimant qu’il profiterait aux séparatistes qui, contrôlant des tronçons de frontière, reçoivent des renforts de Russie. Les déclarations optimistes du président ukrainien sur la possibilité d’un cessez-le-feu ont donc suscité l’espoir d’un changement de dynamique. Mais le ton à Kiev a totalement changé au cours de la journée. Dans un communiqué, le premier ministre Arseni Iatseniouk a même catégoriquement rejeté le plan de règlement russe: «Ce nouveau plan est de la poudre aux yeux à destination de la communauté internationale avant le sommet de l’OTAN et une tentative d’échapper à d’inévitables décisions de l’Union européenne en vue de nouvelles sanctions contre la Russie.»
Réagissant à l’annonce de Kiev faisant espérer un cessez-le-feu, Barack Obama a jugé avec prudence qu’il était «trop tôt» pour évaluer son importance réelle. L’UE a manifesté la même circonspection: «Si ces nouvelles [de cessez-le-feu] se confirment, ce sera une évolution positive, mais nous avons besoin de plus d’informations», a dit la porte-parole de la diplomatie de l’UE, Maja Kocijancic.
Sur le terrain, à Donetsk, la situation était calme en fin de journée. Mais ailleurs dans le Donbass, selon des témoins sur place, les échanges de tirs se sont poursuivis. En outre, les autorités ukrainiennes ont fait état mercredi de la mort de 87 combattants tués à Ilovaïsk, à une trentaine de kilomètres à l’est de Donetsk. Les représentants des rebelles pro-russes ont refusé de commenter l’éventuel cessez-le-feu, feignant de ne pas avoir été informés.
Le rouble et la bourse de Moscou, en chute depuis près d’une semaine en raison des tensions liées à la crise ukrainienne, ont fortement rebondi hier à la faveur d’espoirs de désescalade. Si le cessez-le-feu n’était pas confirmé avant la fin de semaine, de nouvelles mesures de rétorsion de l’UE, principal partenaire commercial de la Russie, pourraient être prises vendredi.
«Ce nouveau plan est de la poudre aux yeux à destination de la communauté internationale»