Ukraine
Encerclé par les manifestants, le parlement n’a finalement pas voté la défiance à l’égard du gouvernement. Le premier ministre a présenté ses excuses pour les violences policières et annoncé que l’Ukraine poursuivrait son intégration européenne. Des opposants se sont rendus à la présidence (mise à jour à 17h00) (avec galerie photos)

■ 17h00. Retour. Dans le noman’s land sombre et froid entre les deux barrages, la rue est déserte, à part les secrétaires particuliers des deux politiciens, deux autre députés, et quelques journalistes ukrainiens. tous empêchés d’accompagner les Klitschko et Iatseniouk dans leur mission auprès de la présidence. Leur retour tarde, mais enfin les hommes de la milice s’écartent...
■ En route pour la présidence. Devant le cordon de sécurité tenu par les manifestants à l’entrée de la rue qui mène à la présidence, là où ont eu lieu les violences de dimanche. Le bruit que Klitschko et Iatseniouk sont dans la foule. En fait, ils ont déjà traversé le cordon de sécurité et ont marché les deux cent mètres qui les séparent du premier barrage des policiers qui protègent la présidence. Ils ont même pu aller au-delà, s’entretenir avec les hommes du président.
■ 14h45. Trois questions à Viatcheslav Kirilenko, à la tête du parti d’opposition Notre Ukraine, à sa sortie du parlement.
– Vous attendiez-vous à n’obtenir que 186 votes pour la destitution du gouvernement, si loin de la majorité de 226 voix?
– Le Parti des régions [au pouvoir] a intrigué en coulisses pour maintenir la plupart des députés indépendants et le groupe communiste dans son giron. Il s’agit d’une mise en scène. Acte I, les députés votent à une large majorité la convocation du premier ministre, Azarov. On pense alors qu’ils sont acquis à l’opposition. Acte II, retournement, la majorité soutient le gouvernement. Acte III, le président peut se prévaloir d’un soutien démocratique. La voie politique est épuisée, nous allons utiliser la mobilisation populaire pour obtenir le départ de Viktor Ianoukovitch.
– Ne craignez-vous pas que cela mène inéluctablement à des confrontations violentes?
– Nous appelons à des démonstrations pacifiques. Les provocations sont le fait des «titushkas», les casseurs payés par le régime. Si ça dérape, seul le gouvernement devra en être tenu pour responsable.
– Quelle sera concrètement la prochaine étape?
– Nous nous sommes consultés, avec les trois autres grands partis de l’opposition. Nous allons continuer l’occupation des places et des lieux publics que nous tenons depuis dimanche et multiplier les marches et cortèges vers d’autres bâtiments de l’administration publique. Dès cet après-midi, nous marcherons sur la présidence. Les députés seront devant. et, cette fois, la milice ne pourra pas nous arrêter. (Propos recueillis par notre envoyé spécial, Boris Mabillard)
■ 14h25. Médiation européenne. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjorn Jagland, est attendu à Kiev dans la journée. Il doit rencontrer demain les chefs des différentes fractions au parlement, le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères.
Le but de sa visite, acceptée par tous les protagonistes, est de tenter de réduire les tensions en Ukraine, pays membre du Conseil de l’Europe, et de voir s’il est possible de trouver une solution politique à la crise.
■ 14h. Immense déception des manifestants et une marche vers la présidence. Dans la mairie occupée depuis dimanche, un grand écran montre les débats au parlement. Quand le vote est fait, c’est la douche froide. Les personnes, 200 dans tout le bâtiment, restent silencieuses, comme abasourdies. Sur la place de l’Indépendance, à 400 mètres de là, silence de plomb. La voie politique est dans l’impasse. Le premier député à rejoindre la grande scène sur la place est Viatcheslav Kirilenko, à la tête du parti Notre Ukraine. Il annonce ce qui a été décidé par l’opposition: continuer la lutte pour renverser le président et changer le gouvernement.
Les moyens pour le faire: immense mobilisation pacifique et marche vers la présidence, là où des heurts violents ont éclaté dimanche. Le cortège devrait partir de la place de l’Indépendance aujourd’hui dans l’après-midi, ou demain. Les trois leaders les plus importants sont attendus sur la grande scène, pour un grand discours. Ce sont eux qui devraient mener la marche vers la présidence. (De notre envoyé spécial, Boris Mabillard)
■ 12h45. La défiance n’obtient pas assez de voix. Christopher Miller, du Kyiv Post, indique sur Twitter que la motion de défiance a rallié 186 suffrages, alors qu’il en fallait 226 pour qu’elle soit couronnée de succès; 5 parlementaires ont voté contre la motion et 12 se sont abstenus. Les 186 membres du Parti des régions, au pouvoir, n’ont pas pris part au vote. Le gouvernement n’est donc pas forcé de démissionner.
Le gouvernement de Mykola Azarov est tenu responsable par l’opposition de l’échec de l’intégration à l’UE et de la répression des manifestants pro-européens.
En s’exprimant devant les députés avant le vote, M. Azarov a demandé pardon pour les violences policières contre des manifestants samedi à Kiev, qui avaient fait des dizaines de blessés. «Au nom du gouvernement, je voudrais vous demander pardon pour les agissements des forces de l’ordre. Le président et le gouvernement le regrettent profondément», a-t-il dit. «Je vais en tirer des conclusions fermes et il y aura des remaniements au sein du gouvernement», a-t-il ajouté.
M. Azarov a toutefois mis en garde les manifestants qui bloquent depuis lundi le siège du gouvernement. «J’appelle tous ceux qui ont pris ces décisions illégales de bloquer le gouvernement d’arrêter. Vous violez ainsi le Code pénal et vous en serez tenus responsables», a-t-il souligné.
Il a par ailleurs assuré que l’Ukraine allait poursuivre son intégration européenne et qu’une délégation gouvernementale se rendrait à Bruxelles la semaine prochaine.
■ 11h30. Avec notre envoyé spécial en Ukraine, Boris Mabillard. 244 députés ont voté une convocation du premier ministre, Azarov, qui doit répondre aux questions des parlementaires avant le vote de défiance au gouvernement. L’opposition pourrait donc aussi obtenir la majorité lors du vote de défiance. Un nouveau gouvernement serait alors nommé et Ioulia Timochenko pourrait être libérée dans les jours à venir.
Vitali Klitschko aura dans ce cas de la peine à se profiler en leader de l’opposition. Le match le plus important de sa carrière est à venir, mais il est désormais un poids mouche, car, libérée et auréolée de son statut de prisonnière politique, Timochenko apparaît comme la figure de proue de l’opposition.
De plus, une pétition a été lancée par le mouvement citoyen de la révolution et sans l’aval des partis. Elle demande la dissolution du parlement et surtout le départ du président. Cela va contrarier le jeu des politiciens de l’opposition. Les trois partis qui la forment, aux idées antagonistes, parviendront-ils à rester unis?
■ Séance suspendue au parlement. Avant de voter la motion de défiance, le parlement a adopté une résolution demandant la présence des ministres pour le vote. Dans l’attente de leur venue, la séance est suspendue, rapporte l’hebdomadaire anglophone Kyiv Post. L’ancien boxeur Vitali Klitschko, l’un des leaders de l’opposition, a profité de la pause pour rejoindre la foule massée aux abords du parlement, ajoute le Kyiv Post. «Il n’y a plus de confiance dans les autorités aujourd’hui. Je suis sûr que nous serons capables de pousser le gouvernement à la démission», a-t-il déclaré à ses partisans.
■ Nouveaux rassemblements. Plusieurs milliers de manifestants favorables au rapprochement entre l’Ukraine et l’UE affluaient mardi matin à Kiev autour du parlement, qui devait examiner dans la journée une motion de défiance du gouvernement.
Deux jours après une manifestation inédite depuis la Révolution orange de 2004, plus d’un millier de personnes ont passé la nuit sur la place de l’Indépendance pour réclamer un rapprochement avec l’UE et le départ du pouvoir en place.
La plupart d’entre eux, joints par plusieurs milliers de manifestants, se sont rassemblés mardi matin autour du parlement, où se trouvaient des centaines de représentants des forces de l’ordre. Certains se dirigeaient aussi vers le siège du gouvernement, afin d’en bloquer l’accès, comme ils l’ont fait lundi.
De nombreux manifestants présents portaient des gilets rouges aux couleurs du parti d’opposition Oudar, du champion du monde de boxe Vitali Klitschko.
■ Motion de défiance présentée aux députés. Dans un geste de conciliation envers l’opposition, le président du parlement, Volodymir Rybak, un proche du président Viktor Ianoukovitch, a annoncé mettre à l’ordre du jour mardi la question de la défiance du gouvernement, comme le réclame l’opposition.
■ Un «coup d’Etat». «Ce qui se passe présente tous les signes d’un coup d’Etat», a dénoncé lundi le premier ministre, Mykola Azarov.
Le président russe, Vladimir Poutine, qui a joué un rôle décisif pour dissuader Kiev de signer l’accord avec l’UE, a lui aussi fustigé lundi les manifestations en Ukraine, «préparées de l’extérieur» et qui «ressemblent plus à un pogrom qu’à une révolution».