La fin du ramadan laisse place chaque année à la Journée mondiale d’Al-Qods, dont l’objectif est de protester contre le contrôle israélien sur Jérusalem. Cette année, une contre-manifestation en soutien à l’Etat d’Israël et contre l’antisémitisme s’est organisée en parallèle dans les rues de Berlin. Des cris canalisés en douceur.

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Des agressions à caractère antisémite 

Depuis la crise des réfugiés de 2015, les problèmes géopolitiques du Moyen-Orient s’immiscent dans les rues de Berlin. En 2017, lorsque le président américain Donald Trump a annoncé le déplacement de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, des drapeaux israéliens ont été brûlés devant la Porte de Brandebourg. Ces événements ont marqué un tournant dans le sentiment de sécurité dont bénéficiait au préalable la communauté juive d’Allemagne. «J’observe clairement et sous divers biais une montée de l’antisémitisme en Allemagne», affirme Patrick Reich, Berlinois et affilié à la communauté juive allemande depuis 1969.

En avril 2018, un Israélien portant une kippa a été frappé à coups de ceinture par un Syrien à Prenzlauer Berg, quartier bourgeois-bohème de Berlin. Début mai 2019, un musicien juif a été agressé par un groupe de Palestiniens à Neukölln, quartier populaire et branché de Berlin. Selon le Ministère allemand de l’intérieur, Horst Seehofer, les actes criminels à caractère antisémite auraient augmenté d’environ 20% cette dernière année dans le pays.

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C’est avec une attention particulière que la journée annuelle Al-Qods a été anticipée cette fois. La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur de Berlin, Andreas Geisel (SPD), a appelé ses concitoyens à porter une kippa ce samedi en signe de solidarité. Quelques jours plus tôt, le quotidien Bild, le tabloïd le plus lu d’Allemagne, a publié en Une une kippa à découper.

Le mouvement ne fait pas l’unanimité cependant. Certains juifs, notamment, voient cette invitation à porter la kippa comme un moyen réducteur de définir le judaïsme par l’antisémitisme. «La kippa n’est pas un symbole allemand neutre», déplore l’écrivain et activiste juif Armin Langer. «La solidarité est accessible par d’autres moyens que le déguisement en victime.»

Le risque d'une guerre 

Samedi, un rassemblement d’environ 1500 personnes a eu lieu sur la place Georg-Grosz, dans l’ouest de Berlin. Diverses figures politiques y ont participé, dont l’ambassadeur d’Israël en Allemagne, Jeremy Issacharoff, la secrétaire d’Etat du Sénat de Berlin, Sawsan Chebli, et l’icône verte des droits gay, Volker Beck. Quelques centaines de mètres plus loin, la marche Al-Qods, plus maigre que l’an dernier, a descendu le Kurfürstendamm en direction de la place Georg-Grosz.

La rencontre des deux parties a été paisible. Chants arabes et cri d’Allah akbar du côté des manifestants d’Al-Qods. Musique pop très forte du côté de la contre-manifestation aux diverses revendications. Un peu partout, des drapeaux arc-en-ciel et palestiniens décoraient le ciel bleu de Berlin.

Pas évident de se comprendre… «Les sionistes contrôlent le monde. Les médias, les lobbys, si vous n’y adhérez pas, vous êtes bannis. Lisez le Coran. Qui a défendu les juifs contre Hitler, qui? Les Albanais musulmans. Les musulmans ont toujours défendu les juifs. C’est très bien qu’ils aient un pays, les Juifs. Mais je peux vous dire une chose: s’ils se rejoignent tous un jour en Israël, il y aura une guerre et ils vont la perdre.» La discussion, typique des débats qui surgissent actuellement à Berlin, a été enregistrée dans un taxi de Berlin par une certaine Esther. Par crainte de couper court à la conversation, la jeune femme a dit au chauffeur qu’elle s’appelait Natacha, un prénom moins hébraïque.