Moyen-Orient
La mobilisation ne faiblit pas pour obtenir la libération de l’humanitaire Olivier Vandecasteele, retenu depuis bientôt un an à Téhéran. Mais son sort reste lié à celui d’un Iranien condamné pour terrorisme en Belgique. Et complique les négociations

Quarante ans de prison et 74 coups de fouet. C’est la peine à laquelle vient d’être condamné Olivier Vandecasteele, humanitaire belge retenu en Iran. Le 24 février, cela fera un an qu’il croupit dans des geôles de Téhéran. Et selon ses proches, qui ont eu droit à un appel vidéo d’une quinzaine de minutes avec lui le 20 janvier, son état de santé se détériore. La mobilisation pour obtenir sa libération ne fait que croître. A Bruxelles, son portrait est notamment affiché en grand sur des bâtiments officiels et à des arrêts de bus, et les manifestations de soutien dans le pays se multiplient. Mais l’affaire est complexe: le sort de l’otage de 42 ans, accusé par l’Iran de prétendues activités d’espionnage, reste lié à celui d’un diplomate iranien, Assadollah Assadi, condamné à 20 ans de prison en Belgique pour terrorisme.
Olivier Vandecasteele est originaire de Tournai. Son père était à la tête d’une des plus grandes sociétés concessionnaires de voitures dans la région, le groupe Vandecasteele. Destiné à reprendre l’entreprise familiale, Olivier a préféré bifurquer vers l’humanitaire. Un voyage au Népal en 2004 a été l’élément déclencheur.
Il s’engage d’abord pour Médecins du monde, qui l’envoie à Kaboul. Sa mission, jusqu’en décembre 2011: s’occuper d’héroïnomanes. Puis ce sera le Mali, et retour à Bruxelles, au desk Sahel de l’organisation. Olivier Vandecasteele part ensuite en Iran, pour Norwegian Refugee Council, en 2015. Puis il travaille, sur place, pour une autre organisation, Relief International. Mais sa mission s’interrompt en mai 2021, pour divergences de vues. Retour à Bruxelles après six ans.
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A genoux et menotté
En février 2022, il repart à Téhéran pour régler de dernières affaires, mettre notamment un terme à son bail et clore son compte bancaire. C’est là, le 24 février 2022, lors d’une soirée passée avec des amis, la veille de son nouveau départ pour Bruxelles, qu’il se fait arrêter par des hommes en civil armés, alors qu’il attendait des livreurs de pizzas. Son ami Olivier Van Steirtegem, devenu porte-parole de la campagne en faveur de sa libération, a décrit la scène: les hommes et les femmes ont été séparés, Olivier Vandecasteele mis à genoux et menotté, et contraint de fournir les codes d’accès de son téléphone portable et de son ordinateur. Puis il a été emmené et placé en détention. Il n’a pas pu contacter son ambassade.
Une vingtaine d’autres Européens et Américains sont comme lui retenus prisonniers en Iran, accusés d’espionnage ou de représenter une menace pour la sécurité nationale. Le 20 janvier, la mobilisation en faveur d’Olivier Vandecasteele est montée d’un cran en Belgique. Les journaux de la presse francophone (La Libre Belgique, La DH, L’Avenir, Sudinfo et Le Soir) ainsi que 40 personnalités, parmi lesquelles Amélie Nothomb, Justine Henin, Eddy Merckx ou encore Adamo, ont lancé un nouvel appel commun dans le cadre de la campagne #FreeOlivierVandecasteele.
C’est ce jour-là, le lendemain de son anniversaire, que sa famille a reçu un appel vidéo d’une quinzaine de minutes via WhatsApp, le quatrième seulement en près d’un an, ont confirmé ses deux sœurs, Nathalie et Virginie Vandecasteele. Olivier Vandecasteele apparaissait en costume, affaibli et seul.
Quelques jours plus tard, plus de 80 représentants du monde académique et spécialistes du droit ont signé une lettre ouverte, pour dénoncer une détention arbitraire. Samedi, c’est à Paris qu’une manifestation a été organisée, par Médecins du monde, en faveur d’Olivier Vandecasteele. La pétition lancée par Amnesty International réclamant sa libération a recueilli plus de 200 000 signatures.
Echange de prisonniers
Le temps presse. Derrière les craintes de ses proches, se cache une affaire aux lourdes implications politiques. Depuis 2016, l’Iran et la Belgique négocient un traité d’échanges des prisonniers. En mars 2022, le traité est scellé et le parlement belge l’approuve en juillet 2022. Assadollah Assadi, un «diplomate» iranien, est l’homme qui pourrait, si la Belgique acceptait de le transférer en Iran, permettre à Olivier Vandecasteele de retrouver les siens.
Or l’homme a été condamné par un tribunal d’Anvers à 20 ans de prison pour terrorisme, le 4 février 2021. Avant qu’Olivier ne décide de repartir en Iran une dernière fois. Le régime iranien n’a jamais reconnu la condamnation de son ressortissant: pour les mollahs son immunité diplomatique n’a pas été respectée.
Soupçonné d’être un agent du renseignement iranien, Assadollah Assadi est considéré comme étant le cerveau d’un attentat déjoué qui visait le Conseil national de la résistance iranienne, lié aux Moudjahidin du peuple, dans la région parisienne, en juin 2018. Assadi travaillait depuis 2014 pour l’ambassade d’Iran à Vienne. Arrêté sur une autoroute allemande alors qu’il rentrait en Autriche, il a été extradé vers la Belgique en octobre 2018, pour être jugé avec trois complices présumés. Ce sont les renseignements belges qui ont intercepté des communications faisant état de préparatifs pour commettre un attentat à la bombe.
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En isolement complet
Le traité controversé de transfèrement de prisonniers n’est toujours pas considéré comme applicable. Les recours de la part de l’opposition iranienne se multiplient, avec moult pressions pour que la Belgique ne livre pas Assadi à l’Iran, où il serait vraisemblablement libéré. Difficile à ce stade d’imaginer si un échange pourrait avoir lieu dans un avenir proche et surtout à quelles conditions.
Mais le 15 février, la Cour constitutionnelle belge tiendra une importante audience sur le recours en annulation contre le traité belgo-iranien. C’est elle qui avait décidé, en décembre, de suspendre la loi validant le traité, juste avant que la condamnation d’Olivier Vandecasteele, pour de prétendus faits d’espionnage, de coopération avec les Etats-Unis contre l’Iran et de blanchiment d’argent, soit annoncée.
En attendant, l’humanitaire, qui avait mené une grève de la faim, souffrirait de problèmes de santé. Après son arrestation, il avait été emmené à la prison d’Evin, de sinistre réputation. «Il y a subi de nombreux interrogatoires, sans pouvoir être assisté d’un conseil», souligne une femme militant pour sa libération, qui préfère rester anonyme. «Lors des rares visites consulaires – sept à ce jour –, l’entretien était surveillé par des agents de l’Etat et Olivier Vandecasteele avait l’interdiction de parler de ses interrogatoires ou des prétendues charges retenues contre lui. Il était détenu en isolement complet […]. Il devait dormir à même le sol et la lumière restait allumée 24h/24.» Depuis août, Olivier Vandecasteele se trouve dans une autre prison et le 20 janvier, il a lui-même confirmé à sa famille qu’il a bien été condamné à 40 ans de prison et 74 coups de fouet. Il aurait déjà perdu plus de 25 kilos.