Dans cette belle équipe, il manque le roi : Bob Dylan. Quand Robert Zimmerman était arrivé du Minnesota à New York au début des années 60, Pete Seeger était son protecteur, Woody Guthrie son inspirateur. Ils croyaient que le gamin serait la nouvelle gloire de la chanson militante. Quelques chansons ("Masters of War", par exemple) le faisaient croire. Mais le Zim n'était pas vraiment de ce côté-là. Il était ailleurs. Du côté de la langue, du côté de la création poétique. Quarante ans après, et pas mal de malentendus, il est difficile de ne pas le comprendre : Bob Dylan est en littérature.
Le 12 octobre prochain sort chez Simon & Schuster le premier de trois volumes d'une sorte de journal intime intitulé, comme il se doit, "Chronicles : Volume One", 304 pages. Une semaine après sortira "Lyrics : 1962-2001", les paroles de presque toutes les chansons. Et cette avalanche arrive alors que les adeptes sont encore plongés dans le gros bouquin de Christopher Ricks, "Dylan's Visions of Sin". Ricks, professeur à l'Université de Boston, est l'un des critiques littéraires les plus réputés de Grande-Bretagne. Il s'est plongé dans l'œuvre de Bob Dylan comme il l'avait fait avant pour Keats et Milton. Il a cherché les sources d'inspiration du ...poète en ordonnant sa quête autour des sept pêchés capitaux, des quatre vertus cardinales et de trois grâces célestes. Pour ce qu'on en sait, c'est assez amusant.
Cette fuite littéraire, forcément, emmène loin de la Convention républicaine et de ses contre-manifestations. Mais il peut se produire, entre le verbe et la terre ferme, des rencontres imprévues. Quand Dylan s'est presque tué en moto, ça a changé deux ou trois choses. Et la dernière fois qu'il a sorti un album ("Love and Theft"), c'était le 11 septembre 2001.