Turquie
Les derniers bureaux de votes ont fermé dimanche. Selon des résultats très provisoires, l'AKP du président turc Recep Tayyip Erdogan obtiendrait plus de 50 % et pourrait gouverner seul. Reportage à Diyarbakir dans l'est du pays

Les bureaux de vote ont fermé dimanche à 16 heures dans l’est de la Turquie et à 17 heures (15 heures en Suisse) dans l’ouest du pays. Les Turcs ont participé à leur deuxième élection législative en cinq mois. Le dépouillement a immédiatement commencé et le verdict devrait être rendu en soirée.
Erdogan obtiendrait plus de 50% des voix
Les premiers résultats, provisoires, font l'effet d'une bombe: Recep Tayyip Erdogan aurait gagné son pari. Le président à la tête du Parti de la justice et du développement (AKP) obtiendrait plus de 50 % des voix et pourrait gouverner seul. Le Parti démocratique des peuples (HDP) pro-kurde franchit, lui, la barre des 10% et se maintient donc au parlement. Le MHP (parti de l'action nationaliste, droite) et le CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate) seraient, eux, les deux perdants du scrutin.
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Selon l'agence Reuters, l'AKP aurait même obtenu 53,8% des voix, selon des résultats basés sur 42% des bulletins dépouillés. Le principal parti d'opposition, le CHP, est, lui, crédité de 20% des voix contre 11,2% des suffrages pour le parti pro-kurde HDP, a annoncé la télévision publique. Ces résultats sont toutefois susceptibles de varier fortement, les votes des grandes villes n'ont pas encore été comptabilisés.
Après le dépouillement complet, le score de l'AKP devrait «se stabiliser à 45%» selon Selçuk Tepeli, le rédacteur en chef de l'un des trois plus grands quotidiens turcs, Habertürk.
Irrégularités constatées
Tout au long de la journée, les électeurs – quelque 54 millions sont inscrits – se sont déplacés en masse dans les isoloirs, placés sous haute protection policière. Les violences tant redoutées n’ont pas eu lieu. Mais au dire des observateurs présents des irrégularités ont été constatées, surtout dans les régions à majorité kurde, où le Parti démocratique des peuples (HDP) fait ses meilleurs scores.
Parmi les entorses au processus électoral, la présences des militaires et de la police, et même des forces spéciales, aux alentours et parfois à l’intérieur des bureaux de vote. Parmi les districts concernés, ceux des régions déclarées «zones spéciales» en raison des problèmes sécuritaires.
Intimidations des militaires
A Diyarbakir aussi, des irrégularités ont pu être constatées. Selon des parlementaires européens en mission d’observation du processus électoral, plus de la moitié des bureaux de vote, tous installés dans des écoles, ont été l’objet d’intimidations militaires. Selon la députée européenne Martina Michels, observatrice à Diyarbakir, «la situation s’est beaucoup dégradée depuis les élections du 7 juin dernier «auxquelles elle avait pu assister. Son collègue, le député basque de gauche, Josu Juaristi Abaunz, «dans de pareilles conditions ont ne peut pas parler d’élections libres et totalement démocratiques».
Peur d’être molesté
Dans le quartier miséreux de Sur, la vieille ville de Diyarbakir, après la fermeture des bureaux de vote, le décompte des voix a immédiatement commencé. Un banc vermoulu a été mis en travers de la porte d’entrée pour empêcher les enfants, certains en guenilles, de pénétrer dans leur classe. Dans la cour d’école, les malabars des forces spéciales se sont déployés, dès le matin. Le doigt sur la gâchette, ils déambulent sans prêter attention aux jeux des marmots. Certains adultes expliquent qu’ils ont failli ne pas venir voter de peur d’être molesté par les soldats.
L’AKP fait mieux que prévu
La petite école de la municipalité de Sur, transformée en bureau de vote, finit son décompte. C’est l’un des premiers bureaux de vote à terminer le comptage: 163 voix pour le HDP, et la moitié moins pour l’AKP. Plus deux dizaines de suffrages pour les autres partis. Un score étonnant: L’AKP fait mieux que prévu et le HDP moins bien. Mais ce quartier n’est pas représentatif, il abrite nombre d’islamistes radicaux qui ont reporté leur vote sur l’AKP, le Parti pour la justice et le développement du président Recep Tayyip Erdogan.
Les observateurs européens veillent au grain
Une petite controverse prend place devant l’école, les militaires veulent emporter les bulletins dépouillés dans leur blindé, mais le responsable du bureau de vote ne l’entend pas ainsi: devant les observateurs européens, les militaires n’insistent pas. Leur mission est terminée, ils décident de s’en aller. Mais un nouveau problème survient: impossible de faire demi-tour dans cette ruelle en terre battue avec deux blindés légers. Tous les enfants de la rue prêtent alors main forte pour guider les blindés en se moquant.